"Il y a de l'aigreur, beaucoup d'amertume, de la colère aussi chez certains salariés parce qu'ils se sentent floués." L'ambiance était pour le moins crispée mercredi matin à Nantes, au siège de la compagnie aérienne Hop!. La filiale d'Air France qui assure les liaisons régionales va tailler dans les effectifs et supprimer 40% de ses vols nationaux. La direction a précisé les contours de son plan de sauvegarde de l'emploi lors d'un Comité économique et social (CSE) extraordinaire. La direction d'Air France veut écoper les pertes du groupe et les syndicats craignent des licenciements secs.
Les représentants du personnel étaient plutôt abattus avant d'entrer en réunion avec la direction. Et pour cause : Hop! va payer un lourd tribut dans la restructuration du groupe Air France. De nombreuses liaisons internes vont être arrêtées, notamment celles qui relient Orly à Nantes, Mulhouse et Clermont-Ferrand. D'autres, comme celles qui relient Paris à Biarritz et Montpellier seront transférées à Transavia, la filiale moyen-courrier d'Air France. "On voit ça d'un mauvais œil puisque ça revient à déshabiller Hop! pour rhabiller Transavia", dénonce Étienne Rossignol, élu de l'Union des navigants de l'aviation civile (UNAC) au CSE de la compagnie.
Pas de départs contraints mais des "mobilités contraintes"
Conséquence de cette réduction drastique des vols : près de la moitié (42%) des 2.400 emplois de Hop! seront supprimés d’ici 2023. Cela concerne les personnels navigants mais aussi les équipes techniques. La flotte d'avions va être quasiment divisée par deux d'ici trois ans. Les sites d'entretien des avions de Lille (88 postes) et Morlaix (209 postes) vont par conséquent être fermés, ainsi que le site administratif et technique d'Orly (350 postes). Et 12 des 14 bases de personnels navigants seront fermées également. Un moyen de combler les pertes de la compagnie, estimées à 80 millions d'euros en 2019.
La direction promet qu’elle fera le maximum pour éviter les départs contraints. Des propositions de reclassement dans les autres compagnies du groupe vont être formulées aux salariés. "Sauf qu'il y aura des mobilités contraintes. Donc si les gens n'acceptent pas de changer de bassin d'emploi ou, dans le cas des personnels navigants, s'ils n'acceptent pas de repartir tout en bas de l'échelle des grilles salariales d'Air France, ils seront en position d'être licenciés", affirme Étienne Rossignol. Les négociations se poursuivront jeudi.
Les syndicats veulent se "battre"
"On va amplifier la lutte et continuer à se battre car ce plan est inacceptable. Ce n'est pas un plan de restructuration, c'est un plan de destruction", a déclaré à l'AFP mercredi après-midi Joël Rondel, secrétaire du CSE et élu CGT. "Le plus dramatique c'est qu'on risque d'avoir des licenciements secs alors que le gouvernement avait dit qu'il ne les autoriserait pas. Air France se sert du plan de 7 milliards du gouvernement pour licencier", a-t-il critiqué. En plus des 1.000 postes chez Hop!, Air France va supprimer de son côté 6.500 emplois.
Si les syndicats ne s’estiment pas satisfaits à la sortie du CSE, ils espèrent mobiliser les pouvoirs publics. Moins de liaisons régionales, alerte Étienne Rossignol, ce sont des territoires encore plus enclavés : "On n'est pas les seules victimes dans l'affaire : les usagers aussi vont voir les dessertes perdre en qualité et en fréquence".