Vos collègues ou vos supérieurs passent leur temps à vouloir être reconnus, considérés, appréciés, plutôt qu'à travailler efficacement ? Ils sont peut-être ce que l'on appelle des "dépendants affectifs". Le livre La dépendance affective au travail de Geneviève Krebs, qui vient de paraître aux éditions Eyrolles, décrit ce phénomène où l'approbation des autres devient tributaire du bien-être de certains salariés.
Le salarié hyperactif et trop bon élève... Alors à quoi reconnait-on un "dépendant affectif" ? "C'est le collaborateur qui va aller voir son manager dix fois par jour pour lui demander son assentiment sur ce qu'il a fait. C'est le candidat qui, pendant un entretien, va paniquer parce que son interlocuteur se tait. C'est le collègue qui vous envoie dix mails par jour et qui, au onzième, vous demande pourquoi vous n'avez toujours pas répondu. C'est une personne qui va très mal réagir à la critique, qui va la prendre pour lui et pas juste ce pourquoi elle était critiquée", illustre Yolaine von Barczy, DRH du groupe de cosmétiques Shiseido, au micro d'Europe 1.
Les spécialistes distinguent deux profils de "dépendant affectif" au travail. Le premier est celui qui en fait des tonnes. Son rêve, c'est d'être l'employé du mois, tous les mois. Il est donc suractif, aime briller, se sentir indispensable. Il travaille beaucoup, mais il charge aussi ses équipes. Parfois même, il en fait trop et ce n'est pas toujours utile. Avec ce type de profil, le risque de burn-out est plus élevé.
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…ou le soumis, incapable de décider. L'autre profil de "dépendant affectif" est plus en retrait. C'est celui qui n'ose pas dire "non" de peur de déplaire. Il cherche à tout prix à se faire aimer, donc il accepte toutes les tâches en courbant l'échine. Son point faible est qu'il est incapable de prendre une décision, car décider c'est parfois se tromper et donc risquer d'être mal jugé. Alors il procrastine, il repousse toujours au lendemain les décisions à prendre… Ce qui n'est évidemment pas très efficace pour l'entreprise.
Les patrons aussi concernés. On trouve des "dépendants affectifs" à tous les étages de la hiérarchie, même chez les patrons. Et pour cause, les "dépendants affectifs" ont toujours quelque chose à prouver, ce qui est souvent le cas des chefs d'entreprise. Le père de Michel a dirigé une entreprise pendant des années. "C'était un dingue du boulot, quelqu'un qui s'est monté tout seul, et qui n'a jamais voulu lâcher les rênes jusqu'à l'âge de 80 ans", raconte-t-il au micro d'Europe 1. "Il avait une espèce de passion totale qui le dévorait. Il avait des mots malencontreux, il pensait que sans lui, on n'y arriverait pas. Il y a eu des heurts assez conséquents."
Les jeunes générations très en demande de retours. Pour ces personnes, le travail est une manière de se rassurer elles-mêmes. Cette inquiétude existe beaucoup chez les jeunes générations. "Les jeunes collaborateurs sont en demande permanente de 'feedback", de retours sur leur travail, de compliments ou de remarques. 'Comment tu m'as trouvé dans la réunion ?', "La présentation que j'ai faite, ça allait ?'", illustre Jérôme Ballarin, président de l'Observatoire de la qualité de vie au travail. Cette situation est parfois pénible à vivre pour les managers. "Ça prend de telles proportions que ça occupe parfois une bonne partie de leurs journées, surtout si leur équipe est jeune. C'est une génération que l'on peut appeler 'de l'enfant roi', et ils espèrent retrouver cela avec leurs managers", analyse le consultant.
Hélas, pour les "dépendants affectifs", aucun compliment ne peut les rassurer plus que quelques minutes, car l'angoisse est un puits sans fond. Toutefois, les managers se doivent de rester bienveillants avec ces salariés finalement très fragiles.