Une consommation en déclin, des agriculteurs qui jettent l'éponge, d'autres découragés de se lancer : face à la "crise de croissance" du bio, le ministre de l'Agriculture a annoncé mercredi une "enveloppe de crise" de 60 millions d'euros accompagnée de mesures pour stimuler la demande. Alors que les conversions vers le bio ralentissent et les départs augmentent, "ce serait notre échec collectif si on perdait des producteurs" bio, a déclaré Marc Fesneau depuis une ferme laitière de l'Oise.
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18% de surfaces agricoles en bio en 2027 contre 10% aujourd'hui
La France ambitionne d'avoir 18% de surfaces agricoles en bio en 2027 (contre 10% aujourd'hui), un objectif qui semble difficilement atteignable mais que le ministre a maintenu mercredi. Dans l'Oise, aucune exploitation ne s'est convertie en bio ces deux dernières années. "On a des agriculteurs prêts à se convertir mais les laiteries ne veulent plus les prendre", regrette Sophie Tabary, présidente de Bio Hauts-de-France et productrice dans l'Aisne.
Le marché du bio a commencé à se retourner en 2021 après des années de croissance à deux chiffres qui avaient incité des agriculteurs à se lancer dans cette agriculture sans pesticides ni engrais issus de la chimie de synthèse. Mais les consommateurs, essorés par l'inflation (+15% sur un an en avril pour l'alimentation), s'en détournent au profit d'alternatives moins chères. L'an dernier, les ventes de produits bio ont reculé de plus de 7% dans les supermarchés, selon le panéliste NielsenIQ, et l'offre dépasse la demande.
20% de bio dans les menus des cantines publiques
Marc Fesneau s'est aussi engagé à ce que les cantines sous responsabilité de l'Etat (ministères, prisons ou armées) mettent - enfin - 20% de bio à leur menu d'ici à la fin de l'année. La loi Alimentation (ou Egalim, 2018) avait fixé pour 2022 cet objectif minimum de 20% de bio dans les cantines. Mais la part du bio plafonne autour de 6%. "Commençons par balayer devant notre propre porte" en étant "exemplaires", a déclaré le ministre, appelant les collectivités locales - qui financent notamment les cantines scolaires - à faire de même.
"Mais les cantines de l'Etat, les armées et ministères sont déjà proches des 20% requis par la loi Egalim. La restauration scolaire est à 13% de bio selon nous", a déclaré à l'AFP Marie-Cécile Rollin, directrice générale de Restau'Co, qui fédère 20.000 restaurants gérés en direct par des collectivités, leurs fournisseurs et les collectivités territoriales. "Un secteur dont on ne parle jamais, le médico-social, les hôpitaux, les Ehpad, les foyers pour personnes handicapées... est à moins de 1%! Il représente la moitié des repas de la restauration collective. S'il montait à 5%, ce serait 150 millions d'euros d'achats de bio supplémentaires", estime-t-elle.
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"A ce stade, l'engagement de l'Etat est symbolique", a réagi auprès de l'AFP le président de la Fédération nationale d'agriculture biologique (Fnab), Philippe Camburet. "J'attends de voir si les collectivités locales emboîtent le pas. Aujourd'hui, elles disent 'on paie les factures de gaz et on verra ce qui restera'" dans le budget. Selon lui, les 60 millions d'euros, dont les modalités seront définies ultérieurement, sont "encore loin du compte" pour soulager la trésorerie des professionnels en difficulté. Une première "aide d'urgence" de 10 millions d'euros, actée fin février au Salon de l'agriculture, avait déçu les professionnels.
"La responsabilité de la grande distribution"
Le ministre a par ailleurs évoqué la "responsabilité de la grande distribution" dans la baisse de consommation bio. Les linéaires sont moins fournis qu'avant en produits biologiques or "la visibilité d'un produit fait sa vente". Il compte également "parler avec la grande distribution" du fait que "la marge est plus grande sur le bio que sur les autres produits". La visite ministérielle était organisée chez un éleveur, Michael Mos, qui dit avoir la chance "de faire partie des mieux payés de France en bio". Excédentaire par rapport à la demande, le lait bio est parfois payé en-deçà du lait standard.
À côté, un producteur de légumes a dû abandonner le bio "à contre-coeur", "pour la survie" de l'entreprise placée en redressement judiciaire. Stéphane Dreumont avait pris la suite de ses parents qui étaient des pionniers du bio (1977). La ferme, qui a grossi à un moment où l'offre était déficitaire, s'est soudain retrouvée avec des "tonnes d'invendus". Cette déconversion "nous a complètement bousillés. On est bio dans l'âme, on faisait du bio par conviction, pas par opportunisme", a-t-il témoigné. Il a dit au ministre espérer "revenir le plus rapidement possible à nos valeurs".