C'est une énième mauvaise nouvelle pour les retraités : pour boucler son budget 2019, présenté à l'automne, le gouvernement compte (encore) sur eux. Après une hausse de la CSG pour les plus aisés d'entre eux l'année dernière, ce sont cette fois-ci les pensions qui vont en prendre un coup. Dans le JDD ce week-end, Edouard Philippe a en effet prévenu que la hausse des pensions de retraite ne serait plus indexée sur l'inflation. Elles "progresseront de façon plus modérée, de 0,3% par an en 2019 et 2020", a détaillé le Premier ministre. Une perte de pouvoir d'achat pour les retraités, qui ne devraient pas retenir leurs critiques, déjà acerbes, contre le gouvernement. Et ce, même s'ils ne sont pas les seuls à être les perdants des prochains arbitrages budgétaires, et que leur niveau de vie reste en moyenne supérieur à celui de l'ensemble des Français.
Manque à gagner. Que signifie, concrètement, cette progression "plus modérée" ? Prenons un retraité dont la pension est de 1.376 euros bruts mensuels (soit la moyenne française). Une augmentation de 0,3% équivaut à environ 4 euros de plus par mois. Si les pensions étaient toujours indexées sur l'inflation, elles augmenteraient plus. L'Insee anticipe de fait une hausse des prix de 1,6% en 2018. En appliquant ce taux, un retraité avec la pension moyenne aurait gagné 22 euros supplémentaires par mois. Avec ce plafonnement de la hausse des retraites, le manque à gagner est donc de 18 euros bruts par mois.
En revanche, rien ne change pour les retraites complémentaires, dont l'augmentation est de toute façon moins avantageuse, puisqu'elle équivaut à l'inflation diminuée d'un point (soit 0,6% si les prévisions de l'Insee se confirment).
" Les retraités sont à ce quinquennat ce que les classes moyennes étaient à celui de François Hollande. "
Mesures successives. Ce n'est pas la première fois que les retraités sont mis à contribution. Il y a, bien sûr, eu la hausse de la CSG : +1,7% au 1er janvier 2018, uniquement pour les retraités qui gagnent plus de 14.404 euros par an pour une seule part, soit 60% d'entre eux. Mais le gouvernement avait également décidé de repousser la date de la revalorisation des pensions de trois mois, au 1er janvier 2019 au lieu d'octobre 2018. Ces grignotages successifs ne manquent donc pas de faire grincer des dents, chez les retraités comme chez les politiques qui entendent les représenter. Laurent Wauquiez, qui faisait sa rentrée dimanche en Haute-Loire, a ainsi dénoncé une mesure "injuste". Dans les colonnes du Monde, son conseiller spécial Brice Hortefeux peste et compare : "Les retraités sont à ce quinquennat ce que les classes moyennes étaient à celui de François Hollande." Soit les éternels perdants des arbitrages budgétaires.
Des choix à faire. Du côté de la majorité, on fait remarquer qu'il a bien fallu faire des choix. Notamment celui "de ne pas augmenter les impôts et taxes", a défendu lundi sur France Info le président de l'Assemblée nationale, François de Rugy. Le gouvernement a également préféré concentrer son effort sur le RSA, dont la hausse ne change pas, et la prime d'activité, le minimum vieillesse et l'allocation pour les adultes handicapés qui doivent, eux, augmenter "très significativement" selon Edouard Philippe.
" Leur pension de retraite sera revalorisée moins vite, mais elle continuera à être revalorisée. Nous ne leur prenons pas d'argent. "
Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a quant à lui assuré au micro de RTL que les retraités ne seraient "pas perdants". "Leur pension de retraite sera revalorisée moins vite, mais elle continuera à être revalorisée. Nous ne leur prenons pas d'argent." Reste qu'il s'agit bien d'un manque à gagner, qu'ils ne sont d'ailleurs pas les seuls à subir. Edouard Philippe dans le JDD a annoncé que les aides personnalisées au logement et les allocations subiraient le même traitement que les pensions, avec une revalorisation faible pour les deux années à venir.
Un bon niveau de vie en moyenne... Si l'exécutif choisit de frapper les retraités au porte-monnaie, c'est aussi parce qu'il garde en tête que ces derniers ont un niveau de vie globalement supérieur à celui du reste de la population. Selon les derniers chiffres fournis par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) rattachée au ministère de la santé, les niveaux de vie annuels moyen et médian des personnes retraitées sont supérieurs à ceux de l'ensemble de la population.
…mais la tendance s'inverse. Néanmoins, la différence entre niveau de vie des retraités et niveau de vie des actifs a tendance à se stabiliser, et devrait se réduire dans les prochaines années. Dans son rapport annuel 2017, le Conseil d'orientation des retraites (COR) a anticipé une baisse du niveau de vie des plus âgés, qui devrait repasser sous celui des travailleurs aux alentours de 2030. Et ce, notamment, parce que le COR projette une baisse des pensions par rapport aux revenus du travail.