C'est une étape majeure dans le sauvetage de Casino en grande difficulté : un "accord de principe" avec des créanciers-clé du distributeur français a été trouvé sur l'offre de reprise de Daniel Kretinsky et ses alliés, sans pour autant apaiser l'inquiétude des salariés. Le groupe qui compte 50.000 salariés en France et environ 150.000 en Amérique latine, va donc changer de main au terme de cette opération de restructuration dont l'issue est envisagée "au cours du premier trimestre 2024".
Le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire a apporté son "soutien" à l'accord, qui ouvre "la voie à une solution pérenne pour l'avenir" avec "un projet industriel ambitieux et robuste". L'accord de principe annoncé vendredi prévoit la signature courant septembre d'un "accord contraignant" dans lequel les signataires s'engagent à s'inscrire dans le processus de restructuration. Casino devrait ensuite être placé en procédure de sauvegarde accélérée "au mois d'octobre", ce qui devrait permettre d'embarquer, même malgré eux, les créanciers restants.
1,2 milliard d'euros d'argent frais
Les candidats à la reprise du distributeur étranglé par une dette nette de 6,4 milliards d'euros à fin 2022, les milliardaires Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière adossés au fonds britannique Attestor, se sont dit vendredi "heureux que leur projet industriel de sauvetage à long terme du groupe" ait "rassemblé le soutien des créanciers-clé et des partenaires bancaires". Leur offre prévoit notamment l'apport de 1,2 milliard d'euros d'argent frais ainsi que la réduction de près de 5 milliards d'euros de dette du groupe. Il est prévu aussi de céder les activités de Casino en Amérique latine - notamment au Brésil - pour lesquelles travaillent les trois quarts des salariés du groupe.
Ce plan va entraîner la dilution massive des actionnaires actuels. Conséquence, sa maison mère actuelle Rallye, contrôlée par le PDG de Casino Jean-Charles Naouri et elle-même endettée à hauteur de 3 milliards d'euros, a annoncé jeudi envisager jeudi soir "à terme" la "liquidation ou la cessation d'activité". Le plan dessiné avec l'entreprise, les repreneurs, les conciliateurs ou encore Bercy, a encore plusieurs étapes à franchir, un "rapport d'expertise indépendante", un feu vert de Bercy "en matière de contrôle des fusions et des investissements étrangers en France", ou encore une dérogation à l'obligation de dépôt d'une offre publique par l'Autorité des marchés financiers (AMF), selon la communication de Casino.
Situation critique
Daniel Kretinsky espère aller vite, car la situation financière du distributeur de 125 ans est critique. Le groupe a réalisé au premier semestre une perte nette de 2,23 milliards d'euros au premier semestre du fait de dépréciations notamment. Il a aussi dévoilé vendredi matin des prévisions d'activité lourdement révisées à la baisse pour le reste de l'année. La veille, Casino avait précisé que "compte tenu des étapes juridiques restant à franchir pour mettre en œuvre la restructuration financière", la "situation présente à date une incertitude" sur sa capacité "à poursuivre son exploitation". Mais il a assuré qu'il n'anticipait "pas de problème de liquidités" d'ici fin 2023, à condition notamment que les frais financiers et échéances de dette soient gelés à l'issue de la période de conciliation.
Les candidats à la reprise du groupe, qui prévoient de nommer à la tête du distributeur Philippe Palazzi, ancien cadre du distributeur allemand Metro et du géant agro-industriel Lactalis, ont indiqué vendredi que "l'objectif est de maintenir le siège social de la société Casino à Saint-Etienne ainsi que ses effectifs pour porter les défis de croissance de l'entreprise".
Un accord qui "ne met pas fin" aux inquiétudes des salariés
Ils prévoient en outre que "les magasins ainsi que leurs entrepôts doivent voir leurs équipes renforcées avec l'objectif de préserver l'emploi sur l'ensemble du périmètre des magasins" "Cet accord était essentiel pour que Casino puisse continuer à exister, il apporte une bouffée d'oxygène", a réagi auprès de l'AFP Alida Melizi, déléguée adjointe de FO, première organisation syndicale du groupe Casino. "L'étape qui vient d'être franchie était attendue. Elle ne met pas fin à nos inquiétudes", affirme pour sa part Jean-Luc Farfal, délégué syndical CFDT groupe Casino, qui attend encore la "vision" des repreneurs pour "relancer la machine, car la baisse des prix de ces derniers mois n'a pas suffi".
"L'adossement au fonds d'investissement britannique Attestor nous inquiète fortement", a enfin déclaré Michel Rieux, délégué syndical central CGT de Distribution Casino France. Son organisation craint "un passage très rapidement en franchise du parc hypermarché et supermarché de Casino, comme l'a fait Carrefour".