Les chiffres mensuels de Pôle emploi ne sont pas "à eux seuls un indicateur fiable et pertinent du chômage", selon un rapport du Sénat publié mardi, qui recommande à l'opérateur public de mieux communiquer, et à l'Insee de publier mensuellement ses propres statistiques, jugées plus révélatrices.
Plusieurs anomalies relevées. "Les soupçons de manipulations des chiffres publiés par Pôle emploi ne sont pas justifiés, même si la survenance d'incidents a altéré leur crédibilité. Toutefois, ils ne sont pas, à eux seuls, un indicateur fiable et pertinent du chômage", estime ainsi le rapport d'une commission d'enquête du Sénat constituée le 28 avril 2016 et composée de 21 sénateurs de différents groupes politiques. Les sénateurs pointent plusieurs "anomalies" dans les inscriptions à Pôle emploi.
Une mauvaise évaluation de la catégorie C. Le fait d'abord que la catégorie C, qui recense les demandeurs d'emploi ayant exercé une activité réduite, comprenne "un nombre important de personnes travaillant à temps plein (467.300 en juillet 2016)", voire "pour certains en CDI" a souligné le rapporteur, Philippe Dallier (Les Républicains), lors d'une conférence de presse. Par ailleurs, de nombreux jeunes de moins de 25 ans et les bénéficiaires du RSA "ne sont pas inscrits à Pôle emploi", ajoute le rapport des sénateurs.
Les sénateurs estiment que l'opérateur devrait "mieux communiquer" sur ses chiffres mensuels, en fournissant notamment une analyse plus approfondie de la catégorie C et des données sur les passages d'une catégorie à l'autre, y compris vers la D (demandeurs d'emploi en formation) dans le cadre du plan 500.000.
Le "BIT" serait une mesure plus juste. Le second indicateur du chômage, celui établi selon les critères du Bureau international du travail (BIT) par l'Insee via une enquête trimestrielle, constitue "une meilleure mesure" à leurs yeux. Selon ces critères, les seuls reconnus au niveau international, il y a 2,8 millions de personnes au chômage en France (la catégorie A de Pôle emploi recense 3,56 millions de personnes sans aucune activité). À cela s'ajoute le "halo du chômage", 1,5 million de personnes inactives mais souhaitant travailler, non comptabilisées comme chômeurs par le BIT mais dont certains sont quand même inscrits à Pôle emploi.
Le rapport pointe "l'écart qui s'est creusé depuis 2009" entre les chiffres de catégorie A de Pôle emploi et le nombre de chômeurs au sens du BIT. Cet écart pourrait être lié en partie à la suppression, en 2008, de la dispense de recherche d'emploi pour les chômeurs de plus de 58 ans, qui n'étaient pas auparavant comptabilisés dans les listes de Pôle emploi. De 2008 à 2016, le nombre de demandeurs d'emploi de plus de 55 ans inscrits sur ces listes a grimpé de 580.000 "soit +430%". Les sénateurs jugent "probable" que certains d'entre eux n'aient pas été comptés comme chômeurs par l'Insee, car "sans espoir" de trouver du travail.
Une parution mensuelle des chiffres de l'Insee. Afin de mieux analyser la réalité du chômage en France, le rapport préconise une parution mensuelle des chiffres Insee. "Le coût de l'enquête Insee aujourd'hui, c'est 20 millions d'euros. Une parution mensuelle représenterait un coût mais elle ne serait pas trois fois plus chère; c'est davantage une question technique", assure Philippe Dallier. Le rapport suggère aussi la tenue annuelle "d'assises de l'emploi" rassemblant tous les acteurs, pour un débat "moins caricatural".