Christophe Catoir, président d'Adecco France : "Les entreprises cherchent des gens capables de s'adapter"

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Christophe Catoir estime que la réforme de l'apprentissage peut résorber durablement le chômage en France. © Europe 1
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avec Emmanuel Duteil , modifié à
Invité de l'interview économique d'Emmanuel Duteil, Christophe Catoir, président de la branche française d'Adecco, leader mondial de l'intérim, fait l'état des lieux du marché du travail et des transformations qui l'attendent.
INTERVIEW

La croissance a beau être revenue en France, le marché du travail fait toujours grise mine avec un taux de chômage de 9,1%. Un niveau que le gouvernement s'efforce d'abaisser avec les réformes de la formation professionnelle, de l'assurance chômage et de l'apprentissage. La ministre du Travail Muriel Pénicaud le rappelait encore sur Europe 1 mardi, l'offre des entreprises ne correspond pas à la demande des actifs. Une réalité que confirme Christophe Catoir, président France d'Adecco, leader mondial de l'intérim. "Nous avons, en France, environ 700.000 missions qui ne trouvent pas de candidat", révèle-t-il dans l'interview économique d'Emmanuel Duteil, sur Europe 1.

Écoutez l'interview intégrale de Christophe Catoir à 22h20 dans le grand journal de la nuit d'Isabelle Millet. Le replay de l'émission est à retrouver ici.

Entreprises et travailleurs ne se trouvent pas. "On sent des entreprises qui se questionnent sur le type de collaborateurs dont elle vont avoir besoin demain pour assurer leurs changements, notamment ceux dans la robotisation et l'automatisation dans l'industrie, dans la digitalisation pour les services", explique Christophe Catoir. Face à elles, "on a des salariés qui, souvent, ont été formés pour faire quasiment toute leur vie un métier et qui sont confrontés à un nombre croissant de professions qui vont changer voire n'existeront plus demain".

Le président d'Adecco France estime que ce dilemme peut être facilement réglé par le biais de la formation. "C'est le challenge le plus important du marché du travail français, à savoir passer d'un modèle de formation X à un modèle Y. On voit que les personnes qui sont actuellement en activité, si elles ne sont pas accompagnées, leurs compétences deviennent périssables", souligne-t-il. "De la même façon, dans les formations initiales, on s'aperçoit qu'il n'y a pas toujours les nouvelles briques de compétences pour les métiers du futur."

Entendu sur europe1 :
Les formations distillées aux candidats ne sont pas celles recherchées par le marché de l'emploi

Un nouveau modèle de formation. En effet, avant même de penser à former les travailleurs à de nouveaux métiers, il faudrait, selon Christophe Catoir, mieux orienter les jeunes. "Il y a deux virages à prendre de manière urgente. D'abord admettre que l'éducation initiale n'est pas qu'une éducation de savoir, mais surtout une éducation qui prépare à une employabilité, quel que soit le secteur. Ensuite, il faut mieux orienter les étudiants. On voit arriver de très nombreux candidats dans des filières qui offrent des compétences qui n'intéressent plus les entreprises, et inversement", regrette-t-il. "On se rend compte aussi que les formations distillées aux candidats ne sont pas celles recherchées par le marché de l'emploi."

Une problématique bien identifiée par le gouvernement qui a décidé d'y remédier avec une refonte du système d'apprentissage. "Les modalités de la filière apprentissage qui ont été instillées par ce gouvernement sont plus concrètes, plus opérationnelles. Au-delà des bonnes intentions, elles donnent une meilleure lisibilité", juge Christophe Catoir. Reste que les entreprises n'embauchent pas encore suffisamment pour résorber le chômage. "Ce n'est que le début. Il faut maintenant faire en sorte qu'elles prennent en main les outils mis à leur disposition par la loi, notamment les nouveaux centres de formation des apprentis, plus modernes et mieux équipés."

Changer l’état d’esprit des recruteurs. Toutefois, les entreprises doivent également revoir leur façon de fonctionner, à commencer par leur processus de recrutement. "Elles doivent s'ouvrir au talent et pas uniquement à la compétence. Autrement dit, regarder la personnalité et la motivation plus que le CV. La capacité des candidats à s'adapter doit devenir essentielle aux yeux des recruteurs", appuie Christophe Catoir. Un travail sur soi crucial pour assurer la transformation des entreprises françaises et leur entrée dans l'économie numérique.

Former les migrants, une aubaine pour eux et pour les entreprises

Pour combler les offres d'emploi qui ne trouvent pas preneur, Adecco a entrepris de s'adresser aux migrants qui arrivent en France. "Malheureusement, il y a beaucoup de personnes qui sont disponibles mais refusent certains emplois, considérés comme moins attractifs : le bâtiment, la collecte de déchets… Alors que les migrants, eux, sont motivés", explique Christophe Catoir. "On a mené une opération avec une centaine de migrants du Grand Paris : à condition de les accompagner sur l'apprentissage du français et l'obtention d'un logement, ils constituent une ressource de travail compétente", assure-t-il. Sur la centaine, "65% ont trouvé un job pérenne" suite à cette opération.