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Aurélien Fleurot // Crédit photo : AFP , modifié à
Pour ses achats, notamment de fournitures et mobilier, l’administration a dépensé 155 milliards d’euros en 2023. Problème, les prix affichés dans les catalogues où se fournissent les agents sont parfois beaucoup plus élevés que ceux des magasins traditionnels. Des fournisseurs appliquent-ils des tarifs spécifiques pour les services publics et peut-on les contourner ?

"Enfin, on se penche sur ce racket organisé des collectivités locales !". Stéphanie von Euw, la maire LR de Pontoise, ne mâche pas ses mots. Elle peut citer des dizaines d'exemples comme celui-là : "On est en train de refaire la salle du conseil municipal, pour les lumières dans le commerce, vous avez l'applique autour de 90 euros. Nous, on va la payer 500 euros l'unité ! Juste parce que nous sommes une collectivité locale. On est vraiment rincés, avec des pratiques totalement abusives". 

"C'est à l'acheteur public d'avoir le meilleur résultat"

Des achats du quotidien aux travaux d'ampleur, la pratique est généralisée, selon la maire de Pontoise. À tel point que certaines entreprises sont particulièrement pointées du doigt parce qu'en situation de quasi-monopole, comme le groupe Mediascience, qui possède les entreprises Sordalab ou Jeulin, incontournables dans le domaine du matériel scolaire, très spécifique, pour les sciences. Des conclusions trop hâtives, estime Edward Jossa, PDG de l'UGAP, la première centrale d'achat public en France. 

"On est en train de comparer les prix du secteur privé, qui peuvent être négociés, renégociés à tout moment, avec des remises, des déstockages, avec des prix publics qui sont des résultats d'appels d'offre. C'est à l'acheteur public d'avoir le meilleur résultat". Sans oublier que les cahiers des charges des appels d'offres ne prennent pas uniquement en compte le prix, il y a aussi des critères sociaux et environnementaux à intégrer, ce qui peut faire grimper les prix, ajoute Edward Jossa. 

Enfin, c'est un manque d'expertise dans le secteur public qui est souligné par Asli Sahin, experte en achat public. Selon elle, c'est un métier qui a fortement évolué depuis 2019 et la montée en compétences qui n'a pas toujours pu être réalisée dans les collectivités. Conséquence, pour celle qui a co-écrit le livre "Achats publics, faire de la réglementation une alliée des stratégies d'achat" avec Philippe Benollet, "certaines entreprises peuvent connaître ces lacunes que l'on peut retrouver dans le secteur public et pratiquer des prix plus élevés qu'ils pourraient le faire ou qu'ils le font déjà sur le secteur privé". 

Des lacunes qui coûtent cher, selon un rapport de l'Inspection générale des finances, une meilleure efficacité permettrait d'économiser au moins cinq milliards d'euros. Interrogé par Le Parisien à ce sujet, le ministre des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, n'exclut pas d'ajouter ce point à la liste des économies à trouver pour redresser les finances du pays.