Certains sites de production de voitures sont à l'arrêt. Photo d'illustration. 3:33
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Aurélien Fleurot avec Arthur Helmbacher, édité par Antoine Terrel
Depuis un an, l'épidémie de Covid-19 a provoqué une pénurie mondiale de semi-conducteurs, des puces électroniques essentielles à la fabrication de nouvelles voitures. Résultat : certains sites de production situés en France voient leur activité très perturbée. Et les spécialistes estiment que cette pénurie aura encore des impacts en 2022 et même en 2023.
DÉCRYPTAGE

L'industrie automobile tourne au ralenti. La crise provoquée par l'épidémie de coronavirus a provoqué une pénurie de semi-conducteurs, ces puces électroniques désormais indispensables dans toutes les nouvelles voitures, notamment pour les tableaux de bord. Selon le cabinet IHS Markit, le secteur automobile a déjà perdu un million de voitures dans le monde au premier trimestre à cause de cette crise. Et désormais, les conséquences s'accentuent dans les usines, où certaines productions sont à l'arrêt. 

Comment expliquer cette pénurie ? 

Invité de la matinale d'Europe 1, Arnaud Aymé, spécialiste transports chez Sia Partners, rappelle que la pénurie est "mondiale", et s'explique notamment par la forte concentration de leur production. "La production de semi-conducteurs est très concentrée en Asie, en particulier à Taïwan et un peu en Corée du Sud", indique-t-il, prenant l'exemple de l'industriel taïwainais TSMC qui a vu au printemps dernier, "ses clients du secteur automobile diminuer leurs commandes".

Face à cette situation, "ces industriels de semi-conducteurs ont priorisé d'autres demandes qui explosaient, à savoir tout ce qui est électronique grand public, production de smartphones, de tablettes, de serveurs informatiques, etc". Conséquence : "Tout ce débouché a pris la place du débouché automobile. Et maintenant que l'industrie automobile est repartie depuis le printemps dernier, elle est passée derrière en terme de priorité, et manque d'approvisionnement, sachant qu'il y a très peu de fournisseurs qui approvisionnent", explique encore Arnaud Aymé. 

L'activité des salariés perturbée

Et les répercussions de cette pénurie se font ressentir jusque sur les sites de France. Sur le terrain, ce qui n'était il y a quelques semaines qu'une suppression ponctuelle d'heures supplémentaires certains samedis est en train de se transformer en fermetures répétées de lignes de production. Chez Renault par exemple, l'usine de Flins, dans les Yvelines, est à l'arrêt cette semaine. En ce moment, c'est une semaine sur deux pour le site qui assemble la Zoé. Même situation à l'usine STA, de Ruitz, dans le Pas-de-Calais, et des fermetures tous les vendredis de mai sont déjà quasiment actées.

Du côté de Toyota, à Onnaing, dans le Nord, l'impact est moindre, malgré trois jours de fermeture ce mois-ci. Chez Stellantis, ex-PSA, plusieurs sites sont aussi touchés, en particulier Rennes et Sochaux.

La production de la Peugeot 308 à l'arrêt

C'est dans cette dernière commune que ce trouve la plus grande usine du groupe Stellantis. Sur place, tous les matins, les ouvriers de Peugeot doivent appeler un numéro vert pour savoir si, oui ou non, en fonction de l'arrivée ou pas de semi-conducteurs, ils travaillent ce jour-là. 

La ligne de la Peugeot 308, elle, est à l'arrêt depuis quatre semaines. Pour la relancer, Stellantis imagine une astuce : en revenir, sur le tableau de bord, au compteur de vitesse à aiguilles à la place de l'écran numérique, explique Eric Peltier, de Force ouvrière. "Là, on a besoin effectivement de semi-conducteurs, puisque ce sont des espèces de cristaux liquides. Dans les systèmes à aiguilles, il n'y a pas besoin de semi-conducteurs", détaille-t-il au micro d'Europe 1. Mais, précise-t-il, "ça ne peut pas se faire comme ça en claquant des doigts, et il faut que le constructeur d'avant veuille bien refabriquer des compteurs à aiguilles". 

"L'intérêt, c'est de refaire des véhicules et surtout d'éviter aux salariés du site de Sochaux d'être en chômage", conclut Eric Peltier. En attendant, un quart des voitures normalement produites sur le site de Sochaux chaque jour ne sont pas fabriquées. 

Pas encore de pénurie dans les concessions

Ces fermetures de lignes de production n'ont pas encore de conséquences directes pour les clients. À ce stade, il n'y a pas de pénurie dans les concessions. Mais en revanche, il faut parfois être un peu plus patient, plusieurs semaines, surtout si l'on veut une option bien précise.

Car pour continuer à sortir des voitures, les constructeurs font des choix et doivent parfois aller au plus simple, toutes les technologies n'étant pas toujours réalisables en ce moment. Parfois, l'absence d'une puce minuscule peut bloquer toute une chaîne de production.

Une sortie de crise pas avant 2022-2023 ?

Pour sortir de la crise, la seule solution est la montée en cadence des fournisseurs de puces, à commencer par le Taïwainais TSMC, qui a prévu d'investir 100 milliards de dollars sur 3 ans. L'entreprise produit déjà les deux tiers des composants électroniques dans le monde. Mais cette accélération risque désormais d'être contrariée par une sécheresse historique dans le pays. Car la production a besoin d'énormément d'eau : plus de 150.000 tonnes par jour sur les trois usines de TSMC.

Et quoiqu'il en soit, tous les fabricants de semi-conducteurs s'accordent pour dire que la pénurie aura encore des impacts en 2022 et même en 2023.