Le taux d’intérêt du Livret A coincé à 0,75% vous désespère ? L’entrée en vigueur prochaine de la "flat tax" à 30% sur la plupart des revenus d’épargne vous donne de la marge de manœuvre ? Placer votre épargne en Bourse vous semble trop risqué ? La transformation de l’ISF vous laisse de l’argent sur les bras ? Le gouvernement a un message pour vous : pensez aux entreprises. Après les réformes fiscales et face au manque d’attractivité de l’épargne traditionnelle, l’exécutif souhaite désormais que l’épargne des Français finance l’économie réelle et les PME en premier lieu.
Plus de pédagogie. Un effort que le gouvernement veut d’abord faire peser sur les banquiers, les assureurs, les gestionnaires de patrimoine. Près de 400 d’entre eux étaient conviés lundi matin à l’Assemblée pour le "Grand rendez-vous de l'investissement productif". Un événement pédagogique animé par Édouard Philippe et Bruno Le Maire pour encourager les banquiers et consort à vendre aux Français plus de produits d’épargne dirigés vers les entreprises. "Pour savoir ce qui vous convient, ils vous feront par exemple répondre à des questions sur une tablette, en amont, pour préparer au mieux votre rendez-vous. Ces outils leur permettront d'être beaucoup plus pédagogues", explique Amélie de Montchalin, députée LREM et membre de la Commission des Finances de l’Assemblée, dans Le Parisien.
Dans le même temps, les financiers présenteront leurs 120 contributions pour aller dans ce sens, issues d’une consultation lancée il y a plusieurs mois. Selon une synthèse que le journal Les Échos a pu consulter, les acteurs du secteur se prononcent majoritairement en faveur d’une éducation renforcée des clients vis-à-vis des produits d’épargne destinés à financer les fonds propres des entreprises.
Moderniser les produits d’épargne. Ils demandent également des aménagements, comme la possibilité de "simplifier les conditions de commercialisation" du Plan d'épargne en actions (PEA), un compte-titres pour particuliers (90 milliards d’encours en 2017), et sa variante destinée spécifiquement aux petites entreprises, le PEA-PME. Mais tout le monde n’est pas sur la même ligne sur ces produits : certains financiers veulent les rendre "plus attractifs" alors que d’autres souhaitent les fusionner pour plus de clarté.
Le Perco (plan d’épargne pour la retraite collectif), un dispositif d’épargne salariale souscrit par environ deux millions de salariés, est également dans le viseur du gouvernement. La députée Amélie de Montchalin souhaite "pousser le Perco + dont le rendement est plus important que le Perco car la part de l'investissement dans les entreprises est doublée". Par ailleurs, "certains assureurs vont proposer des assurances vie en unités de compte 100% PME alors qu'aujourd'hui ces produits se focalisent sur les grandes entreprises", complète-t-elle.
Enfin, il est question d’un "produit d'épargne-retraite unifié" pour simplifier le recours à cette forme d’épargne. "La priorité aujourd'hui est d'imaginer de nouveaux produits d'épargne, plus productifs pour notre économie", a insisté lundi le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau.
Changement de comportement des épargnants. Reste que toutes ces bonnes volontés risquent de se heurter aux habitudes des Français, adeptes de placements sécurisés et tranquilles. Aujourd’hui, plus de 1.900 milliards d’euros dorment sur des contrats d’assurance-vie. A l’inverse, investir dans les entreprises est un projet de long terme, ce qui implique une moindre disponibilité des fonds que dans le cadre d’un Livret A. Flécher l’épargne vers les PME, par nature plus à risque que les grandes entreprises, va donc demander un changement d’état d’esprit. "Si chacun d'entre nous met 0,5% ou 1% de son épargne dans les PME, pour nous, ça ne fait pas une grande différence (…) et, pour les PME, ça change tout", a souligné Amélie de Montchalin sur RTL lundi matin.
Dix milliards sur cinq ans. L'objectif est d'injecter dix milliards d'euros d'épargne dans les PME sur cinq ans, deux fois plus qu’actuellement, soit 0,5% de l’épargne totale des Français. Pour espérer atteindre ce résultat, le gouvernement doit compter sur tous les Français, pas seulement ceux qui ont bénéficié des réformes fiscales de l’an dernier. Comme l’a noté l’OFCE récemment, les mesures du budget 2018 ne profiteront qu’aux ménages les plus aisés. Les banquiers devront donc faire preuve de pédagogie auprès de tous les clients. Ils ont de nouveau rendez-vous dans six mois à l’Assemblée pour un suivi de leur action au quotidien.