Le "droit à l’erreur", mesure phare du projet de campagne d’Emmanuel Macron se concrétise. Gérald Darmanin, ministre de l’Action des comptes publics, a présenté lundi en Conseil des ministres son projet de loi "pour un État au service d'une société de confiance". Un projet très important aux yeux du gouvernement, au point que le Premier ministre Édouard Philippe en personne est venu le présenter lors de la traditionnelle conférence de presse du porte-parole. Au programme : 48 articles pour un "choc de simplification" administrative. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de réconcilier les Français avec leur administration. Au cœur du projet de loi, présenté au Parlement au printemps 2018, le "droit à l’erreur" devrait avoir des conséquences très concrètes dans notre quotidien.
Si vous êtes un particulier
Le principe du droit à l’erreur est assez simple : il permet de se tromper dans ses déclarations à l'administration sans risquer une sanction dès le premier manquement, tant que cette erreur est commise de bonne foi. "Le premier principe qui doit désormais guider l’administration, c’est la bienveillance. Si vous vous êtes trompé, ce sera désormais à l’administration de démontrer que vous n’êtes pas de bonne foi", explique Gérald Darmanin au JDD. Autrement dit, l’erreur est humaine et l’administration doit le comprendre. C’est simple, mais dans le fond, c’est un virage à 360 degrés.
Précisément, toute personne ayant involontairement méconnu, pour la première fois, une règle applicable à sa situation, ne subira ainsi plus ni amende ni privation de droit si elle rectifie son erreur, à son initiative ou quand l'administration le lui demande. Par exemple, si un contribuable oublie de déclarer une partie de ses revenus et que l’administration le remarque, ses intérêts de retard seront réduits de 30%. S’il se manifeste de lui-même au fisc, ses intérêts de retard dus seront divisés par deux. De plus les pénalités qui lui auraient été infligées seront annulées.
Petite précision, le droit à l’erreur n’est valable qu’une fois pour un même oubli. Les contribuables bénéficieront donc d’un filet de sécurité, ce qui devrait les soulager au moment de remplir leur déclaration d’impôt. Mais les fraudeurs et récidivistes seront bel et bien sanctionnés par le fisc en cas d’erreur. Par ailleurs, ce nouveau droit ne s’applique pas aux retards de déclaration.
Extension indirecte du droit à l’erreur, le rescrit, qui existe déjà en matière fiscale et permet d'interroger l'administration au sujet de sa situation et de se prévaloir ensuite des réponses de cette dernière, sera étendu et simplifié.
Si vous êtes chef d’entreprise
Pour leurs déclarations administratives, les entreprises bénéficient aussi du droit à l’erreur, avec les mêmes conditions que les particuliers. Mais quelques mesures supplémentaires leur sont propres. Ainsi, les entreprises auront "droit au contrôle", leur permettant de demander à une administration de les contrôler pour s'assurer qu'elles sont en conformité. Les conclusions rendues seront ensuite opposables, à la manière d'un rescrit. C’est une avancée notable puisque jusqu’alors, les patrons hésitaient à se lancer dans cette démarche, de peur d’être sanctionnés au bout.
Autre inflexion, l'inspection du travail ne sanctionnera plus automatiquement l'entreprise qu'elle contrôle pour certaines infractions (temps de travail, repos, salaire minimum…) mais pourra donner un simple avertissement dès lors qu'il n'y a pas d'intention frauduleuse. Enfin, la médiation dans les Urssaf, expérimentée en Île-de-France, sera généralisée, permettant aux employeurs de régler rapidement des difficultés à l'amiable.
Toutefois, le droit à l’erreur reste limité. Là encore fraudeurs et récidivistes ne sont pas concernés et, en plus, les erreurs portant atteinte à la santé publique, à la sécurité des personnes ou des biens, et celles qui conduisent à contrevenir aux engagements européens et internationaux sont exclues de ce principe.
Qu’en pensent les agents de l’administration ?
Logiquement, l’instauration du droit à l’erreur fera peser une charge supplémentaire sur les épaules de l’administration fiscale. Pour accompagner cette évolution, le gouvernement compte donc mettre 1,5 milliard d’euros pour former les fonctionnaires aux nouvelles démarches qu’ils devront entreprendre. Une enveloppe que les principaux concernés accueillent avec circonspection. "Former, c'est une urgence, car nous demandons nous-mêmes un plan de formation pour tous les agents de la fonction publique. Après, il faudra regarder quel est l'outil et comment il est défini", prévient Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, interrogée par franceinfo.
"J'ai entendu Gérald Darmanin dire que cet outil devait amener à moins d'agents, à moins de services. Si c'est débloquer de l'argent pour qu'il y ait moins de fonctionnaires et de services publics sur l'ensemble du territoire, évidemment que cela ne va pas nous satisfaire", s’inquiète la syndicaliste. "On a la fâcheuse manie de faire croire à chaque fois qu'on tient la réforme magique comme si l'administration n'évoluait pas, comme si les agents étaient ringards et fonctionnaient simplement au crayon à papier. Or tout cela est faux. L'administration a déjà évolué, elle est déjà mieux en phase."