Le dossier de la dette grecque revient, encore et toujours, sur le devant de la scène européenne. Athènes et ses créanciers se réunissent de nouveau pour trouver un accord sur le financement du pays. La Grèce, qui ne s'est plus faite prêter d'argent depuis le mois d'août dernier, va honorer mardi une somme de 750 millions d'euros au FMI. Ce remboursement, dont l'ordre de paiement a été donné lundi à l'agence de la dette grecque, va affaiblir un peu plus un pays qui peine toujours à se relever, plombé par une dette faramineuse.
"Un pays peut soudainement être précipité vers la faillite", a rappelé lundi le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, au sujet de la Grèce. De fait, La Grèce risque d'être à court de liquidités d'ici "deux semaines", a affirmé le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis à l'issue d'une nouvelle réunion de l'Eurogroupe à Bruxelles. Or, ce sont environ 11,5 milliards d'euros que la Grèce doit verser aux créanciers rien qu'en juin, juillet et août.
>> Va-t-on finir par effacer, une nouvelle fois, une partie de cette dette ? Quels seraient les risques d'une telle décision ? La Grèce serait-elle enfin sauvée ? Décryptage.
Un nouveau prêt pour assurer le court terme. L'effacement de la dette est dans toutes les têtes, mais personne n'ose encore officiellement en parler. Pour le court terme, Syriza (gauche radicale), au pouvoir en Grèce, consent à un "compromis" envers ses créanciers : en échange d'un nouveau prêt, la Grèce pourrait accepter certaines réformes comme des "privatisations, la limitation du nombre de pré-retraites, de nouvelles règles sur la TVA ou la création d'une autorité indépendante pour la collecte d'impôts", selon son ministre des Finances, Yanis Varoufakis. Grâce à ces compromis, il espère pouvoir toucher une partie des 7 milliards prévus par le plan d'aide en cours, mais que les créanciers refusent pour l'instant de verser sans efforts préalables.
"Des accords bancals, sous forme de petits prêts assortis d'un report des promesses sociales du gouvernement grec, devrait permettre de gagner du temps. La question de l'effacement de la dette ne se posera vraiment que dans deux ou trois ans", analyse pour Europe 1 Christopher Dembik, économiste chez Saxo Bank.
La tentation d'un effacement de la dette. Car sur le long terme, ce genre d'accords "bancals" ne suffira pas. La Grèce est plombée par une dette de plus de 320 milliards d'euros. Le paiement de ses intérêts ponctionne chaque année 9% des recettes du pays. Tant que la dette occupera autant les ressources grecques, tout le monde s'accorde à dire que l'économie du pays ne repartira pas.
"La Grèce a besoin d'un coup de fouet, de se redonner des marges de manœuvre. Et cela passe par un effacement de la dette, même partiel", estime Christopher Dembik. "La Grèce n'avance plus. Elle n'a pas les liquidités nécessaires. Elle doit arrêter de se concentrer sur sa dette, passer à autre chose, se concentrer sur le développement de son économie", avance également Philippe Waechter, analyste chez Natixis Asset Management, contacté par Europe 1.
L'effacement d'une partie de cette dette était l'une des promesses de campagne de Syriza. "Un effacement de 30% serait le minimum", analyse Christopher Dembik, qui poursuit : "si l'on veut qu'elle s'en sorte, il faudrait 50% à 60%. Mais c'est politiquement inacceptable. Les opinions publiques commencent à ne plus supporter que l'on aide les Grecs".
À qui la Grèce doit-elle (encore) de l'argent ? Car les créanciers d'Athènes ont déjà fait de nombreux efforts. Début 2012, la Grèce a déjà bénéficié d'une opération d'échange de dette : les créanciers privés ont vu leurs titres remplacés par d'autres moins rentables. Environ 100 milliards d'euros de dette ont ainsi déjà été effacés. Les créanciers publics, quant à eux, avaient à l'époque également consenti des aménagements, à savoir des taux plus avantageux ou des allongements d'échéance.
Aujourd'hui, le FESF, le Fonds Européen de Stabilité Financière, reste le premier créditeur du pays, avec plus de 40% de la dette. Dans ce fonds, l’Allemagne est engagée à hauteur de plus de 40 milliards d’euros, la France de 31 milliards. Outre ces garanties, les Etats de la zone euro ont déboursé 52,9 milliards d’euros sous forme de prêts bilatéraux. Au total, la Grèce doit ainsi 60 milliards à l'Allemagne et 40 à la France.
La Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) détiennent chacun 25 milliards. Le reste de la dette, sous forme d’obligations, est détenu par des fonds privés, essentiellement des banques.
Quels sont les risques réels d'un effacement de la dette ? Pour l'heure, aucun de ces créanciers ne se dit prêt à un nouvel effacement. Et pour cause : lors d'une réduction de dette, "il y a forcement un risque. Une exigence n'est pas satisfaite. La France, par exemple, a elle même emprunté pour prêter à la Grèce. Si la Grèce ne rembourse pas, l'actif n'a plus de valeur, c'est une perte sèche", décrypte Philippe Waechter, de Natixis. "D'autant qu'il y a un risque que d'autres pays formulent la même demande. On ne peut pas imaginer effacer cette dette d'un trait de crayon", poursuit-il.
Pour Christopher Dembik, en revanche, le risque financier d'un effacement est "limité". "Les pertes, au final, seraient faibles, réparties entre les Etats". Mais ce serait surtout le message envoyé aux marchés qui handicaperait la zone euro. "Cela signifierait qu'un Etat peut faire défaut. Les taux d'intérêt augmenteraient, pour la Grèce et pour tous les pays de la zone euro en difficulté, l'Italie par exemple. Certains fonds spéculatifs y verraient une opportunité d'augmenter leurs taux. C'est ça l'enjeu", assure l'économiste.
Y a-t-il des alternatives ? Plutôt que d'effacer la dette, certains proposent donc d'étaler son remboursement dans le temps, en baissant les mensualités. La Grèce mettrait par exemple 50 ans à rembourser ses prêts, contre 30 ans aujourd'hui, en payant un peu moins chaque mois. "Ce serait probablement la solution qui ferait le moins de dégâts", estime Philippe Waechter. "Pour parvenir à un compromis, l'Union européenne pourrait bien opter pour cette solution. Mais cela ne suffirait pas", tranche pour sa part Christopher Dembik, qui conclut : "cela donnerait le message d'une dette perpétuelle, sans donner un coup de fouet suffisant à la Grèce".