Des gens qui courent, se bousculent, s’invectivent pour… du Nutella. C’est la scène surréaliste qui s’est jouée jeudi dans plusieurs magasins Intermarché de France. Raison de ces "émeutes" : une promotion flash de 70% sur les pots de la célèbre pâte à tartiner. De quoi rendre les consommateurs fous. Heureusement, ce genre de scène délirante devrait disparaître. En effet, dans la continuité des États généraux de l’alimentation (EGA), le gouvernement souhaite interdire les promotions monstres sur les produits alimentaires.
Un projet de loi bientôt présenté. Les différents acteurs de la filière agroalimentaire, producteurs et distributeurs en tête, ont signé en novembre une charte de bonne conduite, censée permettre une meilleure répartition de la valeur entre les acteurs de la chaîne, en attendant le projet de loi issu des États généraux de l'Agriculture qui sera présenté mercredi en Conseil des ministres. Parmi les points clés de cette loi à venir, la limitation des promotions doit rééquilibrer le rapport de force entre les grandes surfaces et les agriculteurs.
Un point qui sera repris dans le projet de loi, publié jeudi par le député de la France insoumise François Ruffin, sur son blog, en court-circuitant la communication du gouvernement. Ainsi, "l’article 1er habilite le gouvernement à prendre par ordonnance deux mesures à titre expérimental, pour une durée de deux ans : le relèvement de 10% du seuil de revente à perte des denrées alimentaires revendues en l’état au consommateur, ainsi qu’un encadrement en valeur et en volume des promotions pratiquées sur les denrées alimentaires".
" Fini l’offre ‘un produit acheté, un produit offert’ "
Limitation des promotions à 34%. Concernant les promotions, la nouvelle réglementation n’est guère détaillée mais le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert a apporté des précisions dans Le Parisien. "Nous avons l’objectif de permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail et d’assurer à chaque Français l’accès à une alimentation de qualité pour un coût raisonnable. Nous allons donc limiter les promotions des produits alimentaires à hauteur de 34% de la valeur totale", indique-t-il. "Il sera toujours possible d’acheter trois produits alimentaires pour le prix de deux mais fini l’offre ‘un produit acheté, un produit offert’ ! Il s’agit de lutter contre les promotions excessives qui pervertissent aux yeux du consommateur la notion du juste prix."
Cette limitation concerne l’ensemble des denrées alimentaires, des pots de Nutella aux carottes maraîchères en passant par les biscuits les steaks hachés. Le premier intérêt est pédagogique : redonner de la valeur aux produits et réhabituer les consommateurs à payer le juste prix. Fini donc les rabais à 70%, les remise immédiates de 40% ou encore les produits 100% remboursés en bons d’achat. L’enjeu est de taille : selon une étude du cabinet Nielsen réalisée en 2014, les familles adeptes des promotions économisent en moyenne 253 euros par an. Un coup porté au pouvoir d’achat que l’exécutif estime nécessaire pour aider les producteurs.
Limiter le pouvoir des distributeurs… En effet, même si les agriculteurs ne semblent pas a priori concernés par les promotions sur le Nutella, ils en sont pourtant victimes. "Actuellement, un distributeur est autorisé sur certains produits à écraser sa marge et vendre à perte. C’est notamment fréquent sur des produits comme la pâte à tartiner et les boissons gazeuses, alors qu’en même temps, il marge sur d’autres produits, typiquement ceux des producteurs et agriculteurs", souligne Stéphane Travert qui avait, sans le savoir, anticipé les "émeutes" Nutella.
" Le Nutella est subventionné par la pomme Royal Gala "
Dans les faits, aujourd’hui, Leclerc, Intermarché et les autres peuvent vendre à perte des produits dont les consommateurs sont friands, comme le Nutella, et augmenter leurs marges sur d’autres (fruits, légumes, viandes…) pour compenser. "Le Nutella est subventionné par la pomme Royal Gala", avait dénoncé Serge Papin, patron de Système U, lors des États généraux de l’Alimentation.
… et redonner du pouvoir aux agriculteurs. "Nous allons mettre fin à cette pratique et obliger désormais les distributeurs à recouvrir leurs coûts (logistique, personnel) à hauteur de 10% minimum sur tous les produits. Cette mesure associée à la formation des prix par les producteurs et non plus les distributeurs va permettre de redonner du prix à l’agriculteur, les marges du distributeur étant lissées sur l’ensemble des produits", avance le ministre de l’Agriculture.
Il faut désormais graver ces mesures dans le marbre législatif et les faire appliquer aux distributeurs. Pas une mince affaire car ces derniers se montrent pour l’instant rétifs à équilibrer les négociations, quitte à se faire tancer par Emmanuel Macron. "S'il n'y a pas de changement dans les dernières semaines de négociations, nous dirons aux consommateurs citoyens français qui fait quoi" dans ces négociations commerciales, a-t-il menacé. La limitation des promotions, le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des négociations feront partie des mesures détaillées en Conseil des ministres le 31 janvier.