On parle d'un véritable "miracle portugais", au regard de la rapidité avec laquelle le pays a su redevenir attractif : dans l'industrie du textile et de la maroquinerie, les entreprises européennes s’étaient largement détournées du savoir-faire lusitanien, aveuglées par la rentabilité d’une production sous-traitée en Asie. Mais voilà que depuis quelques années, le Portugal voit son carnet de commandes exploser. L'une des principales raisons de ce retour réside dans le fait que le consommateur européen est désormais très regardant sur l’éco-responsabilité des produits qu'il achète.
C'est en tout cas ce que pense le patron de Jonak, Marcel Nakam, qui a choisi de localiser sa production proche du marché hexagonal. Depuis 20 ans, cette marque française fait produire 80% de ses chaussures à quelques kilomètres au sud de Porto. "On peut commencer par produire de faibles quantités, prendre l'information auprès des clientes et réassortir en conséquence", défend-il au micro d'Europe 1. "On n'a donc pas de gaspillage. Aujourd'hui, la contrainte écologique est une contrainte de taille. Produire à proximité du lieu de distribution est un point assez important, plutôt que d’organiser du transport en bateau, en avion, ce qui relève du grand import."
Un coût de production plus élevé, mais…
L'autre point fort du Portugal s'explique par la plus grande transparence dont fait preuve le pays par rapport à la Chine, aussi bien sur la production que sur les conditions de travail. Le revers de la médaille ? Produire au Portugal coûte beaucoup plus cher qu’en Chine, même si le coût de la main d’œuvre y est trois fois moins cher qu’en France, pour un savoir-faire qui n’a rien à voir avec la Chine.
Reprenons l'exemple de Jonak : dans cette entreprise familiale, de la semelle au lacet, en passant par le cuir, chaque étape de la fabrication nécessite un savoir-faire traditionnel et manuel. Il en est ainsi de l'assemblage d'un escarpin décrit par Éric Kazan, le responsable de la production : "L'ouvrière positionne le dessus de la chaussure avec la doublure, l’intérieur… C’est délicat quand il faut que tu positionnes bride après bride. Pour que ce soit parfait et qu’il n'y ait pas de recoupe à faire, il faut une habitude de travail."
Offre complète et innovation
Pourtant, ce miracle a failli n'avoir jamais avoir lieu. Il y a 15 ans, le textile était un secteur quasiment sinistré au Portugal. Mario Jorge Machado en sait quelque chose : il est le président de la plus importante association de textile du pays. Dans son usine, au nord de Porto, des machines modernes tournent à plein régime dans un espace de 25.000 mètres carrés.
" Des marques se sont rendues compte qu’elles étaient trop dépendantes des pays asiatiques "
Avant d'en arriver là, comme beaucoup, l'industriel a subi de plein fouet l’émergence des marchés asiatiques. "Ils ont bouleversé le marché", assure-t-il. "Nous avons perdu environ 30% de nos clients. Ceux qui ne sont pas partis ont réduit leur commande. Nous avons réduit nos effectifs et puis nous nous sommes développés à nouveau. Après 2009, 2010, le marché a commencé à redémarrer. Des marques se sont rendues compte qu’elles étaient trop dépendantes des pays asiatiques."
Aujourd’hui, Mario Jorge Machado compte plus de 600 clients, dans 54 pays à travers le monde. Pour lui comme pour d'autres producteurs, la pérennité de l'activité va être le défi des années à venir. La renaissance de l'industrie textile et de la maroquinerie repose sur plusieurs choses : un réseau d'entreprises interdépendantes, ce qui permet une offre complète, du design à la logistique, mais aussi l'investissement de centaines de millions d'euros pour l'innovation et pour la formation. Qu'en sera-t-il demain ? La relève est difficile à convaincre, en raison des bas salaires.