Ce n'était pas une déclaration officielle. Pourtant, la phrase d'Emmanuel Macron, prononcée dans un débat organisé vendredi par le think tank "En temps réel", un centre de réflexion de centre gauche, risque bien de compliquer la tâche du gouvernement. Le ministre de l'Economie a qualifié de "plus adéquat" ni "justifiable" le statut des fonctionnaires. "On va progressivement entrer dans une zone - on y est déjà d'ailleurs - où la justification d'avoir un emploi à vie garanti sur des missions qui ne le justifient plus sera de moins en moins défendable", avait déclaré Emmanuel Macron.
Une sortie qui ne pouvait pas plus mal tomber : lundi après-midi le syndicat FO doit se prononcer sur l'accord de revalorisation des carrières de fonctionnaires. L'exécutif bataille depuis des mois pour le faire accepter des syndicats. Et si FO le refuse, le texte sera rejeté.
Qu'est-ce que c'est que cet accord ? Alors que les fonctionnaires seront plus nombreux en 2016 avec la création de 8.300 postes, ils vont aussi avoir de nouvelles perspectives de carrière. Pour faire oublier leur point d'indice gelé depuis cinq ans, Marylise Lebranchu, la ministre de la Fonction publique, leur propose plusieurs avantages : des revalorisations salariales en début et fin de carrière, des possibilités assouplies de mobilité etc. En contrepartie, les augmentations de salaires seraient étalées dans le temps. Un fonctionnaire mettrait par exemple 30 ou 35 ans à percevoir son salaire maximum, contre 25 ans aujourd'hui.
" "Ça met à mal la confiance envers le gouvernement" "
La sortie de Macron arrive au mauvais moment. Le hic : pour faire valider l'accord, le gouvernement doit faire accepter le projet par des syndicats représentant 50% des fonctionnaires. Or, le compte n'y est pas. Avec la FSU, la CFDT et l'UNSA, il arrive à 47%. D'où la nécessité de séduire FO, qui doit se prononcer lundi. Et la sortie du ministre de l'Economie ne les a pas franchement rassurés. "Sur le statut de la fonction publique, il y a des discussions en cours, avec un accord qui a été soumis à signature. Il y a des aspects qui peuvent faire craindre à une remise en cause du statut, donc cette sortie n'est pas un hasard", a commenté Jean-Claude Mailly, dimanche sur Europe 1. "Ça peut rentrer là-dedans, mais c'est peut-être une boulette aussi, je n'en sais rien", poursuit le patron de FO, pour qui Emmanuel Macron est "un peu le grand vizir du libéralisme".
La sortie du ministre de l'Economie lui a valu un recadrage immédiat du président François Hollande, "attaché" au dit statut, et de Manuel Valls, tout aussi "attaché". Mais là encore, Jean-Claude Mailly est loin d'être rassuré. "Je ne pense pas que les électrons libres existent dans un gouvernement. Quand il fait ça, il a d'une certaine manière une couverture. Le Premier ministre a dit: 'il faut maintenir le statut', mais il défend Emmanuel Macron aussi. Il y a de la subtilité", conclut le patron de Force ouvrière. "C'est très dommageable car nous sommes en pleine consultation. Ça met à mal la confiance envers le gouvernement. Ça ne pèse pas dans le bon sens", a renchéri lundi Christian Grolier, secrétaire général de FO fonctionnaires.
"Maintenant, c'est à moi de gérer". Invitée d'Europe 1, Marylise Lebranchu, ministre de la Fonction publique, a également montré lundi tout son malaise. "Je ne veux pas taper sur un collègue du gouvernement. Simplement, le risque est de mettre un peu le feu partout, et en particulier chez les syndicats", analyse la ministre. "Maintenant, c'est à moi de gérer auprès des syndicats, et ne vous inquiétez pas, je vais le faire", poursuit-elle, glissant au passage quelques petits conseils pour le jeune ministre : "j'ai simplement dit à Emmanuel Macron : 'un ministre n'est pas libre de ses propos'. Il faut être extrêmement prudent, parler le moins possible et ne pas oublier qu'y compris dans un petit groupe de réflexion, il y a toujours quelqu'un pour reprendre une phrase que vous avez jetée".