Fraude fiscale : et maintenant McDonald’s ?

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BIG MONEY - La Commission européenne a annoncé jeudi l'ouverture d'une enquête sur les pratiques fiscales de la chaîne de fastfood en Europe.

Après Starbucks, Fiat, Apple ou encore Google, c'est au tour de McDonald’s. La Commission européenne a annoncé jeudi l'ouverture d'une enquête sur les pratiques fiscales de la chaîne de restauration rapide. Bruxelles va chercher à vérifier les conclusions d’un rapport publié en début d’année et qui accusait McDonald’s d’utiliser des recettes douteuses pour payer le moins d’impôts possibles.

Des syndicats à l’origine de l’enquête. Après avoir longtemps fait preuve d’immobilisme en matière d’optimisation et de fraude fiscale, Bruxelles s’est emparé du sujet depuis la crise des subprimes en 2008. La Commission européenne a ainsi ouvert plusieurs enquêtes et commencé à sévir : Starbucks, Fiat et le Luxembourg ont ainsi été sommé en octobre dernier de s’expliquer sur leurs arrangements fiscaux.

Mais parce que de telles enquêtes sont longues et fastidieuses, certains n’ont pas attendu que Bruxelles s’active. Trois fédérations syndicales internationales ont ainsi pris les devants et décortiqué les pratiques fiscales du groupe McDonald’s. Leurs conclusions, publiées en février 2015 dans un rapport intitulé Unhappy Meal, sont troublantes : l’entreprise américaine est accusée d’avoir privé les pays européens d’environ un milliard d’euros de recette fiscales entre 2009 et 2013. Et ce collectif d’interpeller la Commission européenne pour qu’elle se saisisse du sujet. Un message visiblement entendu.

La Commission européenne a en effet estimé jeudi que le montage fiscal de la multinationale était à ses yeux douteux. Un accord fiscal "qui accepte que McDonald's ne paie d'impôt ni au Luxembourg ni aux États-Unis sur leur revenu des redevances européennes doit être examiné de façon très minutieuse au regard des règles en matière d'aides d'État", a déclaré Margrethe Vestager, la commissaire chargée de la politique de concurrence.

Qu’est-il reproché à McDonald’s ? L'inventeur du Big Mac est soupçonné d’avoir mis en place une stratégie pour payer le moins d’impôts tout en restant aux limites de la légalité. Pierre angulaire de ce système, le Luxembourg aurait proposé à McDonald’s une série d’accords fiscaux, les fameux "tax rulings", pour éviter au maximum de payer des impôts en Europe : on parle alors pudiquement "d'optimisation fiscale".

Un chiffre résume à lui seul l’ampleur du défi : entre 2009 et 2013, l’entreprise américaine aurait fait remonter plus de 3,7 milliards d'euros de ses restaurants européens vers sa holding luxembourgeoise McD Europe Franchising, qui s'est acquittée de seulement 16 millions d'euros d'impôts. Soit un taux d’imposition proche de 0,5%, alors que l’impôt sur les sociétés oscille en Europe entre 20% et 35%.

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© PAUL J. RICHARDS / AFP

 Comment réussit-il à payer si peu d’impôts ? Comme d’autres entreprises indélicates, McDonald’s est accusé de jouer avec ce qu’on appelle les prix de transfert : en clair, réduire au maximum les bénéfices dans les pays à la fiscalité normale et les augmenter autant que possible dans les pays fiscalement conciliants, quand il ne s’agit pas de paradis fiscaux.

Dans le cas présent, McDonald's réussit à rendre ses restaurants européens presque déficitaires en leur faisant payer des royalties – le droit d’utiliser la marque – pour le moins élevées (5% du chiffre d’affaires) qui ne sont quasiment pas taxées car encaissées par une filiale au Luxembourg. A titre de comparaison, ces royalties représentent 4% aux Etats-Unis et sont imposables sur place. En facturant d’autres services à des niveaux artificiellement élevés, la maison mère européenne, basée à Genève, assèche ainsi les restaurants européens et concentre le maximum de bénéfices au Luxembourg… où ne travaillent pour elle que 13 personnes, contre près de 69.000 salariés pour la France. L’enquête européenne devrait confirmer ces accusations.

Des accusations contestées par la chaine de restauration rapide. "McDonald's respecte toutes les lois en Europe et paye un montant significatif d'impôts sur les sociétés", a réagi un des porte-paroles du groupe, avant d'ajouter : "en réalité, entre 2010 et 2014, les sociétés de McDonald's Companies ont payé plus de 2,1 milliards de dollars, avec un taux d'imposition moyen de près de 27%".

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Ronald, un géant à la croisée des chemins. L’ouverture d’une enquête constitue un obstacle de plus pour la chaîne de fast food, qui est déjà confrontée à de nombreux autres défis. Premier d’entre eux, et pas des moindres : la marque perd des parts de marché dans son fief. Les consommateurs américains commencent en effet à changer leurs habitudes alimentaires et s’orientent vers des plats moins gras et de meilleure qualité. Un virage mal anticipé par McDonald's et dont profitent de nombreux concurrents (Chipotle, In-N-Out, etc.).

Et en France, son deuxième marché, McDonald's fait également face à une concurrence de plus en plus forte. Il y a d’abord la multiplication de restaurants et de chaines consacrés aux hamburgers et qui ont fait le choix de la montée de gamme. Il y a ensuite et surtout la montée en puissance du grand rival Burger King, qui négocie actuellement pour racheter le réseau Quick.