Le géant bancaire suisse UBS, jugé pour "démarchage bancaire illégal" et "blanchiment aggravé de fraude fiscale", a été condamné mercredi par le tribunal correctionnel de Paris à une amende de 3,7 milliards d'euros, la plus lourde peine jamais infligée par la justice française dans une affaire d'évasion fiscale. Les avocats de la première banque privée au monde ont immédiatement annoncé leur intention de faire appel.
Une faute d'une "exceptionnelle gravité". La justice a sanctionné des fautes "d'une exceptionnelle gravité" qui "trouvent leur source dans une organisation structurée, systémique et ancienne", a expliqué la présidente Christine Mée à l'audience. La filiale française du groupe suisse, UBS France, a été condamnée, pour complicité des mêmes faits, à une amende de 15 millions d'euros. Le tribunal a suivi les réquisitions du parquet national financier, condamnant une faute d'une "exceptionnelle gravité".
Le tribunal a condamné solidairement la banque suisse UBS AG, sa filiale française et trois de ses anciens cadres à payer 800 millions d'euros de dommages et intérêts à l'Etat français, partie civile. Cinq des six anciens cadres de la banque jugés se sont vus infliger des peines de prison avec sursis et des amendes allant jusqu'à 300.000 euros. Seul Raoul Weil, l'ex-numéro 3 d'UBS AG, a été relaxé, du fait de sa position dans l'entreprise, pas directement en prise avec la gestion du marché français dans la banque.
Des commerciaux envoyés illégalement en France. La banque a constamment nié avoir franchi la ligne rouge de la légalité, tout en reconnaissant avoir renoncé à certaines pratiques au fil des années. Fustigeant une accusation "sans preuve", la défense avait plaidé la relaxe et appelé le tribunal à "descendre du drone" survolant la frontière franco-suisse pour examiner les faits "à la loupe". Le tribunal a considéré que le groupe suisse avait bien illégalement envoyé ses commerciaux en France pour piocher dans la riche clientèle d'UBS France, repérée lors de réceptions, parties de chasse ou rencontres sportives, et la convaincre d'ouvrir des comptes non déclarés en Suisse.
Pour masquer les mouvements de capitaux illicites entre les deux pays, la banque a mis en place une double comptabilité, selon la justice française : les "carnets du lait", utilisés pour comptabiliser les reconnaissances d'affaires dissimulées selon l'accusation. Des documents qu'elle a tenté de détruire selon l'accusation et dont seul un exemplaire a été retrouvé, deux autres ayant été partiellement reconstitués.
La plus grosse amende dans une affaire d'évasion fiscale. Le jugement, la plus belle victoire du parquet national financier (PNF) depuis sa création en 2013 dans la foulée du scandale des comptes cachés de l'ex-ministre Jérôme Cahuzac, est particulièrement sévère pour la banque. Il sera scruté à la loupe sur les places financières à l'heure où le Brexit promet de faire de Paris un nouveau phare bancaire sur le Vieux Continent. La sanction infligée est, de loin, la plus importante jamais prononcée par la justice française dans une affaire d'évasion fiscale, depuis la condamnation en juillet 2017 de la banque lettonne Rietumu à une amende de 80 millions d'euros dans l'affaire dite "France Offshore".
La plus grosse amende aussi, dépassant largement le montant négocié de 300 millions payé en novembre 2017 au fisc français par la filiale suisse de la Britannique HSBC qui avait ainsi évité un procès. Ce procès restera comme celui d'une époque, de pratiques désormais combattues. Cette lutte, initiée dans la foulée de la crise financière de 2008, allait aboutir au principe d'échange automatique des données, signant sur le papier la fin du secret bancaire suisse.