Confrontées à une menace terroriste inédite, les forces de l’ordre sont sur tous les fronts. En nombre insuffisant, elles commencent à montrer des signes d’épuisement. La gendarmerie, la police et l’armée s’appuient donc sur des renforts occasionnels, les réservistes. Ce système de réserve opérationnelle, organisé par une loi de 1999, François Hollande souhaite même le renforcer pour en faire une véritable "garde nationale". Le président de la République veut ainsi que le nombre de réservistes dans l’armée passe de 28.000 à 40.000 d’ici 2019. Outre les traditionnels retraités des forces de l'ordre et militaires, de plus en plus de particuliers pourraient donc se mettre au service de la nation. Sauf que cet engagement n'est pas si aisé pour les salariés actifs, surtout vis-à-vis de leur entreprise. Europe 1 passe en revue les principales questions qui peuvent se poser à la fois pour les employés et leur employeur.
• Combien de jours par an un réserviste peut-il s’absenter ? Un employé a le droit de servir dans la réserve au moins cinq jours ouvrés par an. Au-delà, il doit obtenir l’accord de son employeur, sollicité au moins un mois à l’avance. Cette absence peut alors aller jusqu’à 60 jours par an, voire 210 jours en cas de circonstances exceptionnelles. Dans les faits, un réserviste est en moyenne mobilisé 25 jours par an.
• Un employeur peut-il refuser de libérer un réserviste ? Au-delà de cinq jours par an, un réserviste doit demander à son employeur l’autorisation de s’absenter, ce que ce dernier peut refuser. Ce refus doit alors être motivé dans les 15 jours auprès de l’intéressé et de son corps de réserve : en clair, l’employeur doit préciser pourquoi cette absence serait préjudiciable au bon fonctionnement de l’entreprise.
• Un employé peut-il perdre son emploi à cause de ses absences ? Lorsqu’un réserviste est appelé, son contrat de travail est suspendu pour la durée de sa mission mais il n’est pas rompu : il doit retrouver sa place à son retour et ne peut faire l’objet de discriminations. Un réserviste "ne peut faire l'objet d'un licenciement, d'un déclassement professionnel ou d'une sanction disciplinaire parce qu'il est engagé dans la réserve", précise le site Service-public.fr.
• Les employeurs jouent-ils le jeu ? La Fonction publique et les entreprises publiques sont naturellement plus enclines à libérer leurs employés, d'autant que la loi le préconise : "l'employeur public donne l'exemple aux employeurs privés en matière de comportement à l'égard des réservistes", souligne une circulaire de 2005.
Dans le privé, la situation est plus variable, les employeurs n’étant pas indemnisés pendant l’absence du réserviste. Les entreprises opérant dans le secteur de la défense ou de l’aéronautique jouent davantage le jeu en raison de leur proximité avec l’armée et les forces de sécurité. Ainsi, le groupe Thales incite ses salariés à devenir réservistes en prenant en charge leur salaire pendant 15 jours par an alors que rien ne l’y oblige. Mais dans la plupart des entreprises, surtout les TPE et PME, la situation est plus compliquée : certains réservistes préfèrent ne pas informer leur employeur et d’autres, faute d’accord de leur entreprise, sont obligés de poser des jours de congé pour effectuer leur mission.
• Qu’est-ce que les entreprises y gagnent ? En acceptant que ses employés deviennent réservistes, une entreprise fait preuve de solidarité et de citoyenneté. Mais l’intérêt pour l’employeur n’est pas que symbolique : les salariés peuvent également acquérir de nouvelles compétences. "Les chefs d’entreprises retirent aussi un bénéfice de l’engagement de leurs salariés dans la réserve militaire. Esprit d’équipe, sens des responsabilités, goût de l’initiative, discipline et loyauté… sont des qualités aussi utiles à l’entreprise qu’aux forces armées. L’investissement que fait l’entreprise en employant des réservistes engendre un enrichissement mutuel", souligne la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). "J'ai toujours constaté que mes collaborateurs qui faisaient ce type d'engagement étaient plutôt meilleurs", estime le vice-président délégué du Medef, jeudi sur Europe 1.
Si l’entreprise décide de pérenniser la mise à disposition de certains de ses employés, elle peut signer avec le ministère de la Défense une convention. L’entreprise concernée obtient alors un label "Partenaire de la Défense nationale" qui peut devenir un outil de communication non négligeable dans certains secteurs d’activité. Entre 300 et 350 grandes entreprises ont signé de telles conventions.
• Quels aménagements réclament les employeurs ? Malgré ces dispositions, le statut de réservistes est bien moins connu que dans certains pays tels que les Etats-Unis, où la garde nationale est une véritable institution. Ce qui explique pourquoi Geoffroy Roux de Bézieux a réclamé sur Europe 1 "qu'on réfléchisse au cadre légal et organisationnel de tout ça". "Le cadre fonctionne, mais il fonctionne en temps de paix, quand les réservistes ont quelques missions et sur un tout petit nombre. Si on doit aller beaucoup plus loin en nombre, disons 100.000 ou 120.000 réservistes, il est certain qu'il faut réfléchir au cadre", souligne le vice-président du Medef.
Et ce dernier de mettre deux propositions sur la table : obliger le corps de réserve à prévenir les employeurs plus en amont afin que cette dernière puisse s’organiser, mais aussi accorder un avantage pour les entreprises qui jouent le jeu. Ce dernier propose de "regarder comment, à travers les appels d'offres publics, les entreprises qui se sont engagées volontairement peuvent avoir une préférence : une entreprise de travaux publics, par exemple, de BTP qui donnerait des jours en plus à ses salariés pourrait se voir attribuer un label préférentiel".
>> Retrouvez l'interview de Geoffroy Roux de Bézieux, jeudi matin sur Europe 1 :
Geoffroy Roux de Bézieux : "la réserve est...par Europe1fr