On parle beaucoup des inégalités de revenus - mais elles sont finalement très contenues. En France, les 10 % des plus hauts revenus gagnent 4 fois et demi plus que les 10 % des plus bas revenus. Un rapport de 1 à 4, cela reste mesuré. Il faut dire qu'en France, on a tout un arsenal de redistribution des revenus. Alors que si on regarde maintenant le patrimoine, là, c'est complètement différent...
Les 10 % des plus riches ont un patrimoine de plus de 600.000 euros, contre à peine 38.000 euros pour les 10 % les plus pauvres. Soit un écart de 1 à 160 ! Comme l'écrit l'Insee dans son rapport annuel : "Les inégalités de patrimoine sont beaucoup plus marquées que celles des revenus." Comment s'expliquent ces inégalités de patrimoine ? Et pourquoi ne cherche-t-on pas à les corriger ?
En France, on est allergique à l’impôt sur les successions. Le patrimoine s'acquière tout au long de la vie. Les plus de 60 ans sont quasiment 10 fois plus riches que les moins de 30 ans. Et cette fortune amassée est ensuite transmise quasiment sans aucune taxe aux enfants : 90 % des héritages se font sans droits de succession.
Donc, autant les revenus sont matraqués d’impôts, autant le patrimoine, lui, peut changer de main sans aucune taxe. Zéro redistribution. Emmanuel Macron avait bien tenté à un moment de lancer le débat, mais - dans une France, déjà championne du monde des impôts et taxes -, les Français ne veulent pas entendre parler d’impôt supplémentaire.
D'autant que si l'on regarde la composition de ce patrimoine, c'est essentiellement de l'immobilier, à plus de 60 %. C'est notre maison, un actif très personnel, très privé. Et donc, à l'aube de sa mort, on préfère voir hériter ses enfants, plutôt que le fisc. Et tant pis si cela génère de fortes inégalités. En matière de patrimoine, le ras-le-bol fiscal l'a emporté sur la passion française pour l'égalité.