La Banque centrale européenne (BCE) a laissé ses taux inchangés jeudi, après dix hausses d'affilée, prévenant que les risques inflationnistes, accentués par la guerre au Proche-Orient, sont encore trop élevés pour envisager la moindre baisse. Après avoir porté ses taux directeurs à leur plus haut niveau historique, cette pause dans le cycle inédit de resserrement monétaire, lancé en juillet 2022, était attendue par les marchés. Les gardiens de l'euro, qui se sont réunis jeudi à Athènes, veulent se donner le temps d'évaluer le cap que prend l'économie en zone euro.
L'inflation accentue son recul
Depuis septembre et le dixième tour de vis d'affilée donné par la BCE, la conjoncture économique s'est assombrie tandis que l'inflation a accentué son recul, passant de 5,2% en août à 4,3% en septembre, en glissement annuel, pour revenir à son niveau d'octobre 2021. C'est le signe qu'il y a déjà "une très forte transmission de la politique monétaire, dans le secteur bancaire en particulier, et que le financement de l'économie en est directement affecté", a souligné Christine Lagarde.
D'autres effets sur l'économie "sont à venir", a-t-elle prédit alors que l'objectif de la BCE est de durcir l'accès au crédit, pour les ménages et les entreprises, afin de peser sur la demande et d'endiguer les hausses des prix qui se sont envolés depuis 18 mois. Le principal taux directeur rémunérant les dépôts, référence pour le crédit en zone euro, est ainsi maintenu au niveau historiquement haut de 4,00%. Le taux de refinancement et le taux de facilité de prêt marginal se situent respectivement à 4,50% et 4,75%.
Le message de la BCE est que "la patience est désormais la clé", analysent les économistes de Deutsche Bank. "Nous devons être stable et tenir bon", a martelé Christine Lagarde face à la presse.
"Les taux resteront à leurs niveaux actuels dans un avenir prévisible"
La pause dans le resserrement monétaire devrait également permettre de mieux évaluer l'effet des tensions géopolitiques liées à la guerre entre Israël et le Hamas, qui font craindre une flambée du coût du pétrole et de l'énergie. La Banque centrale européenne (BCE) est "très attentive" au risque économique posé par ce conflit, qui s'ajoute aux bouleversements provoqués depuis février 2022 par la guerre en Ukraine, a dit Christine Lagarde.
Les prix de l'énergie sont devenus encore "moins prévisibles" et les "tensions géopolitiques accrues pourraient les faire grimper à court terme", a-t-elle observé. Dans ce contexte, inutile d'attendre une prochaine baisse des taux, même si la faiblesse de l'activité fait craindre une contraction du produit intérieur brut de la zone euro au troisième trimestre. "Avoir une discussion sur une baisse est totalement prématurée pour le moment", selon Christine Lagarde qui n'a pas exclu non plus d'autres hausses de taux si la situation économique l'exige.
"Ce n'est qu'en maintenant les taux à leur niveau restrictif actuel pendant suffisamment longtemps que la BCE pourra être sûre que l'inflation reviendra à son objectif de 2%", commente Mark Wall, économiste chez Deutsche Bank. La BCE "s'installe sur un plateau", croit cependant Holger Schmieding de Berenberg. "En l'absence de surprise majeure, les taux resteront à leurs niveaux actuels dans un avenir prévisible", estime-t-il.
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"Il est trop tôt pour baisser les taux d'intérêt", abonde Clemens Fuest de l'institut économique allemand IFO. "Pour cela, l'inflation doit continuer à baisser. En raison notamment des accords salariaux élevés et des risques liés aux prix de l'énergie, il n'est pas garanti que cela se produise." En décembre, l'institution monétaire pourra décider en fonction des derniers chiffres de l'inflation et d'un nouveau jeu de projections économiques à l'horizon 2026.
La plupart des économistes n'attendent pas de baisse des taux, au plus tôt avant la seconde moitié de 2024. "La BCE n'a pas de marge pour baisser ses taux l'année prochaine", compte-tenu du risque d'inflation toujours présent, assure Jörg Krämer, économiste chez Commerzbank.