Quand on arpente les couloirs de Station F, le plus grand campus de start-ups au monde, situé à Paris, mieux vaut ne pas être allergique aux anglicismes. Ça et là, on croise un chief operating officer, qui doit "gérer tout ce qui se passe en interne", un data scientist, qui "analyse les données pour en sortir un peu de valeur", une développeuse front end, qui "fait en sorte que les sites internet soient jolis", ou encore un chief marketing officer, un software engineer, un UX designer ou un egoteller... Mais pas seulement. Certains métiers, a priori extérieurs au monde du numérique et de l'intelligence artificielle, en composent ainsi des rouages essentiels.
Compétences technologiques non nécessaires
"On a notamment besoin d'une forte proportion de gens qui ont des compétences sociales et émotionnelles, qui savent manager, qui savent convaincre", détaille ainsi Eric Hazan, directeur du digital au cabinet de conseil McKinsey, au micro d'Europe 1. Car jusqu'à preuve du contraire, l'intelligence artificielle ne sait encore ni manager ni convaincre.
Le développement de la technologie favorise aussi la résurgence de certains métiers. Les éthiciens devraient être de plus en plus nombreux à l'avenir, tout comme les assistants juridiques. "Beaucoup d'articles sont sortis sur la disparition de la profession. Mais on a été regarder aux États-Unis, et il se trouve que la demande est en hausse, à condition d'être formé aux outils de l'intelligence artificielle et de la recherche", note encore Eric Hazan.
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"En intelligence artificielle, il n'y a pas uniquement besoin de data scientists, ces fameux docteurs en sciences des données, en algorithmie", abonde Eneric Lopez, directeur Intelligence Artificielle et Développeurs chez Microsoft France. "On a aussi besoin de bons artisans en intelligence artificielle, de bons développeurs. Et cela, il va falloir en créer beaucoup", appuie-t-il. Certaines études estiment en effet qu'un tiers des emplois dans l'intelligence artificielle risquent de ne pas être pourvus dans les deux prochaines années.
La formation n'en est que plus importante. Au sein de l'école de l'intelligence artificielle créée par Microsoft se côtoient ainsi "une linguiste, une juriste, un coach sportif", énumère Eneric Lopez. "On a quelqu'un qui a un CAP de boulangerie, mais tous sont passionnés par le numérique, parce qu'ils y ont vu une opportunité dans leurs métiers actuels ou parce qu'ils souhaitent se reconvertir", précise-t-il.
Tous niveaux d'études acceptés
Le milieu accueille donc toutes sortes de profils, des diplômés de HEC et Polytechnique aux simples titulaires du baccalauréat. "Il n'y a pas forcément besoin d'avoir un niveau super exigeant en maths pour pouvoir coder ou faire de l'informatique", souligne par exemple Etienne Gless, journaliste à L'Étudiant.
"Pour programmer une expérience utilisateur sur une application mobile, il n'y a pas besoin d'avoir un PhD ou un doctorat de sciences de l'informatique. Il y a besoin d'un tas de jobs qui sont entre 0 et +2 après le bac. La vraie question, c'est : 'est-ce qu'on sait mettre en place rapidement des formations qualifiantes pour que ces gens trouvent de l'emploi ?'", complète Eric Hazan.
Souvent, les entreprises ont de tels besoins qu'elles sont prêtes à former en interne. Les journées de recrutement sans CV sont d'ailleurs de plus en plus fréquentes dans le secteur. "On se charge de recruter d'abord la personnalité, et ensuite on les forme à la technique de banque ou à la technique informatique", illustre Orli Hazan, membre du comité exécutif de LCL en charge de la stratégie, de la transformation et de l'innovation.
En résumé, si certaines compétences sont évidemment nécessaires pour y accéder, il peut parfois suffire d'être motivé et d'avoir des idées pour agripper le train de ces nouveaux métiers. Un train lancé à toute vitesse, mais qui ne manque pas de places à prendre.