L'appel à la grève dans les raffineries de pétrole a éveillé les craintes de nombreux automobilistes la semaine dernière. Craignant une pénurie de carburant dans les jours à venir, nombre d'entre eux se sont rués à la pompe et auront sans doute remarqué la hausse sensible du prix des carburants. Le tarif du litre de sans plomb 95 flirte dangereusement avec la barre des 2 euros dans certaines stations et le bioéthanol (ou E85) n'échappe pas à la tendance depuis le début de l'année 2023. Ce carburant dit du "pouvoir d'achat", confectionné à base d'alcool végétal (de betteraves ou de maïs dans la plupart des cas), s'établit à 1,12 euro en moyenne alors qu'il n'excède que très rarement la limite d'1 euro le litre, et atteint par endroit 1,20 euro.
Fin des coups de pouce et températures défavorables
Son prix était d'ailleurs resté stable en 2022 lorsque celui des carburants fossiles s'envolait partout en France, conséquence de la guerre en Ukraine. Une situation qui a poussé le gouvernement à accorder une ristourne de 30 centimes par litre d'abord puis de dix centimes ensuite pour l'ensemble des carburants, y compris pour l'E85. Une remise à laquelle il fallait ajouter celle de TotalEnergies de dix centimes par litre. Or ces divers coups de pouce ont pris fin le 31 décembre dernier pour laisser place à des dispositifs plus ciblés. Et les prix affichés sur les totems des stations-service ont instantanément flambé.
Mais cette simple explication ne suffit pas à décrypter le phénomène. D'autres paramètres doivent être pris en compte et notamment la saisonnalité. "Nous sommes face à une hausse globale du prix des carburants, or dans le bioéthanol, il faut un petit peu de sans-plomb. Et là, nous sommes en hiver donc le mélange est plus riche en essence, environ 40%", explique à Europe 1 la société Flexfuel Energy Development, spécialisée dans le superéthanol. Ce carburant n'apprécie guère les températures hivernales et nécessite une température minimum de 13 degrés pour s'enflammer. D'où l'importance d'augmenter la part d'essence dans le mélange lorsque le mercure baisse.
Le prix du gaz a augmenté de 250% en 2022
Par ailleurs, les coûts de fabrication globaux du superéthanol ont fortement augmenté en 2022. Et la guerre en Ukraine n'y est évidemment pas étrangère. Outre la hausse du prix des engrais et du carburant non routier - nécessaires à l'exploitation des champs de betteraves et de maïs - il faut également considérer la flambée spectaculaire du prix du gaz. "Le prix final de l'E85 résulte d'un contrat annuel passé entre les producteurs d'éthanol et les distributeurs de carburant. Ce contrat est établi en septembre 2021, par exemple, pour l'ensemble de l'année 2022. Or, en 2022, le gaz a augmenté de 250%. Et donc, le nouveau contrat pour 2023 se base sur le nouveau prix du gaz", indique Nicolas Kurtsoglou, ingénieur au syndicat national des producteur d'alcool agricole (SNPAA).
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Si ce système permet d'assurer une stabilité des prix tout au long de l'année, il empêchera également le bioéthanol de retrouver son tarif d'origine avant le début de l'année 2024. Malgré tout, ce carburant demeure tout à fait compétitif, indique-t-on du côté de Flexfuel Energy Development. "On garde un écart de minimum 70 centimes avec les autres carburants, le bioéthanol permet d'économiser 300 euros sur 13.000 km. Et les carburants fossiles devraient également continuer à augmenter donc on peut imaginer que l'écart va continuer à se creuser."