Après avoir été déficitaires ces dernières années, les raffineurs ont retrouvé le sourire depuis que le prix du baril avoisine les 50 dollars : ils en ont profité pour augmenter leurs marges. Sauf qu'ils sont désormais accusés d’avoir poussé le curseur un peu trop loin, au détriment des consommateurs qui ne profitent qu’en partie de la baisse des prix. L’association de consommateurs CLCV, qui sonne la charge, demande donc au ministre de l'Economie de se pencher sur ce dossier pour que les clients profitent autant de la baisse des prix que les raffineurs.
Le raffinage, un secteur longtemps dans le rouge. L’amélioration de l’efficacité énergétique des voitures, couplée à la crise de 2008-2009, ont conduit les Européens à modérer leur consommation de carburant. Le secteur du raffinage, qui transforme le pétrole brut en carburant, tourne donc au ralenti et les pétroliers affirment perdre de l’argent depuis plusieurs années, victimes d’un surdimensionnement de leurs installations. C’est ce qui a notamment conduit le groupe Total à fermer la raffinerie des Flandres en 2010 et à bientôt reconvertir celle de Mède, dans les Bouches-du-Rhône.
La baisse des prix du pétrole change la donne. Si la crise a aggravé les difficultés du secteur du raffinage, elle a aussi ses bons côtés : la demande énergétique a également baissé dans le reste du monde, provoquant une chute des prix du pétrole. Les raffineurs en ont donc profité pour ne pas répercuter entièrement cette baisse et gonfler leur marge.
"Effectivement, depuis le début de l’année on peut constater qu’il y a eu une réaugmentation des marges des pétroliers", confirme Stéphan Sylvestre, économiste à la Paris School of business. "Depuis plusieurs mois, ils sont dans une situation de marges assez confortables, autour de 40 à 50 euros la tonne de raffinage. On est bien au-delà des 20 à 30 euros la tonne qui peuvent être suffisants pour les compagnies. Il y a aujourd’hui une situation où l’écart est vraiment confortable", décrypte-t-il au micro d’Europe 1.
Les raffineurs accusés d’être trop gourmands. Ce qui ressemble à un juste retour de balancier serait donc devenu un effet d’aubaine. Certains accusent donc les raffineurs d’avoir poussé leur avantage un peu trop loin, si bien que les automobilistes ne paieraient plus le juste prix. En clair, au vu de la situation, le consommateur devrait payer son carburant encore moins cher qu’aujourd’hui.
L’association de consommateurs CLCV (consommation, logement et cadre de vie), qui mène la charge, a fait ses comptes : les automobilistes y perdraient entre 2 et 3 centimes par litre d’essence ou de gazole. Soit un surcoût de 2 euros par plein de diesel. Pour les foyers qui se chauffent au fuel, cela représenterait un surcoût de 60 euros. "Ce réflexe peut s'entendre dans un contexte où le raffinage a vécu des bonnes et des mauvaises années. Mais il a atteint une ampleur et une durée désormais excessive", regrette CLCV.
Interpellé par la CLCV, le ministre de l'Economie Emmanuel Macron ne partage pas tout à fait cette analyse : à ses yeux, ces marges élevées permettent seulement d'atténuer les pertes réalisées ces dernières années. Mais cette séquence risque de ne pas durer : les prix du pétrole augmentent à nouveau, tout comme l’activité. Ce qui fait craindre à la CLCV que les pétroliers aient trop réduit leurs capacités de raffinage et que le secteur soit trop tendu dans les années à venir. L’association demande donc au ministre de l'Economie de mener une négociation avec les grands groupes du secteur "pour permettre à minima un maintien des capacités pour les années à venir".