Une hausse de près de 10% pour le Ricard, de 9,3% pour les céréales Chocapic, de 8,4% pour le pot familial de Nutella, de 8,1% pour certains laits et même de 6,1% pour l’eau minérale Evian… À partir de vendredi, plusieurs produits de grande consommation vont voir leur prix augmenter, révèle Le Parisien, qui a mené son enquête auprès d’une enseigne de la grande distribution. En cause : l’entrée en vigueur de certaines mesures de la loi Alimentation, dont l’objectif est de mieux rémunérer les producteurs. La hausse des prix commencera donc dès le 1er février, et devrait vite prendre de l'ampleur. À quoi faut-il s’attendre ?
La fin des promotions et de la revente à perte…
Dans le détail, la loi met notamment fin aux grosses promotions, qui seront dorénavant limitées à 34% des prix de référence. Fini, donc, les opérations "un produit acheté = un produit offert", ou bien encore les réductions monstres à hauteur de 50% et plus. En outre, seuls 25% des articles vendus par un magasin pourront faire l’objet d’une promotion.
Ces produits dit d'appel, souvent en promotion pour attirer le client, ne pourront plus être vendus au rabais hors promotion en raison d'une autre mesure de la loi Alimentation, qui pourrait toucher au portefeuille des ménages : le relèvement du seuil de revente à perte de 10%, qui impose aux supermarchés de revendre un produit au minimum au prix auquel ils l’ont acheté, majoré de 10%. Un produit acheté 100 euros, par exemple, devra désormais être vendu au moins 110 euros.
"C'est une vaste escroquerie, si l'on voulait provoquer les gens qui sont en difficulté de pouvoir d'achat, dans le contexte actuel, on ne s'y prendrait pas mieux", s'agace Alain Bazot, président de l'association de consommateurs UFC-que Choisir, mercredi au micro d’Europe 1 .
… Entraînera une hausse des prix, surtout en campagne
Ces mesures entraîneront nécessairement une hausse des prix. Mais il est encore difficile de savoir à combien elle va s'élever. Selon les distributeurs, l’augmentation des prix sera contenue entre 0,1% et 0,8%. Mais ce pourcentage est calculé sur l'ensemble des références vendues en magasin. Si l'on prend en compte la moyenne des prix habituellement vendus en promotion ou au rabais, la hausse pour ces derniers devrait être de 2,4%, selon l’UFC-Que Choisir. Le Parisien précise par ailleurs que cette hausse concernera 1.000 références (parmi les plus consommées) sur les 25.000 vendues en hypermarchés, et 500 à 600 références dans les supermarchés. Et pour ces derniers, qui seront les plus impactés, la hausse sera en moyenne de 5 à 6%.
En outre, il y a fort à parier que tous les territoires ne seront pas logés à la même enseigne. Selon l’UFC-que choisir, en effet, les enseignes des centres-villes (type Monoprix ou Franprix), qui font déjà de fortes marges, pourront plus facilement limiter la hausse liée à la loi Alimentation. "En revanche, dans les hypemarchés qui se livrent à une guerre des prix –Leclerc, Géant Casino…- comme chez les ‘hard discounters’ – Leader Price, Netto… - les hausses pourront être fortes. Or, ce sont ces magasins que fréquentent les ‘gilets jaunes’"…, commente dans Le Parisien Matthieu Escot, responsable des études à Que choisir.
Les agriculteurs attendent beaucoup de cette loi
Reste que le gouvernement pourra difficilement faire marche arrière. La loi avait été votée au printemps dernier après les Etats généraux de l’Alimentation, censés apporter une réponse à la crise du monde agricole. "Aujourd'hui, il n'est plus possible que les agriculteurs se fassent étrangler dans les négociations commerciales", avait défendu en décembre dernier le ministre de l'Agriculture Didier Guillaume.
Avec la hausse des prix attendus, ce sont des centaines de millions d’euros supplémentaires qui devraient être reversés aux agriculteurs (l’inflation des prix devrait atteindre, au total, près d’un milliard d’euros sur un an). Le report de l’entrée en vigueur de la loi, prévu initialement en fin d’année dernière, avait d’ailleurs entraîné une levée de boucliers des agriculteurs, et plusieurs mobilisations en France.
Reste à savoir si l’argent ira bien aux producteurs. En septembre dernier, en effet, les syndicats du secteur s’inquiétaient de l’absence dans la loi d’indicateurs clairs devant aiguiller les négociations entre distributeurs et agriculteurs. "Nous demandons à ce que les producteurs, quand ils se regroupent pour négocier avec leurs clients" (industriels de l'agroalimentaire, distribution etc) "puissent faire prendre en compte leurs coûts de production. Pour ce faire, ils ont besoin qu'il existe des indicateurs neutres, fiables, incontestables, sur ces coûts de production", résumait récemment Jérémy Decerle, président des Jeunes agriculteurs, proche de la FNSEA. Or, ce point n’apparait pas dans la Loi.
"Le gouvernement et les parlementaires font le pari que si l'on donne plus d'argent à la grande distribution, on va compter sur sa bonne volonté pour être moins sévère avec l'industrie agro-alimentaire, qui achètera plus cher les matières premières auprès des exploitants. Mais il n'y a aucun levier dans la loi qui garantisse que ce mécanisme fonctionne", déplore Alain Bazot, de l’UFC-que choisir. Consommateurs et agriculteurs risquent, donc, d’être déçus par les futures négociations sur les prix.