La mise en service de l'EPR de Flamanville va-t-elle faire baisser les prix de l'électricité ?

La turbine du réacteur nucléaire de troisième génération à Flamanville.
La turbine du réacteur nucléaire de troisième génération à Flamanville. © SAMEER AL-DOUMY / AFP
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Romain Rouillard / Crédit photo : SAMEER AL-DOUMY / AFP
Ce lundi, l'EPR de Flamanville a démarré sa réaction nucléaire et produira de l'électricité d'ici à la fin de l'automne. La fin d'un interminable processus, achevé avec plus de 12 ans de retard, qui fait naître chez certains l'espoir d'une électricité moins chère à l'avenir. Mais la réalité est plus nuancée. 

C'est un projet qui a longtemps paru interminable, voire inachevable. Avec plus de 12 ans de retard, l'EPR de Flamanville, dans la Manche, a enfin démarré ce lundi, quatre mois après le feu vert accordé début mai par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). "La phase de divergence (première fission nucléaire, NDLR) a commencé. Cette opération va faire battre le cœur du réacteur pour la première fois", a déclaré lundi soir Régis Clément, directeur adjoint de la division production nucléaire chez EDF. Ce réacteur de troisième génération, le quatrième au monde seulement (deux en Chine et un en Finlande) aura coûté plus de 19 milliards d'euros selon la Cour des comptes (13,2 milliards selon EDF) et sa construction fut jalonnée de déboires en tout genre : malfaçons dans le béton, anomalie dans la cuve, fiabilité douteuse de certains équipements... 

Une liste déjà bien longue à laquelle se sont ajoutés deux drames en 2011 lorsque deux salariés, de 32 et 37 ans, perdirent la vie après une chute mortelle. De quoi donner à l'EPR de Flamanville des allures de chantier maudit. Et les retards de calendrier ne sont pas encore tout à fait terminés puisque la connexion de l'EPR au réseau électrique a été reportée à la fin de l'automne, avant une montée en puissance progressive. Le fonctionnement plein et entier du réacteur est prévu d'ici à la fin de l'année. Une fois ces étapes franchies, une question se posera inévitablement : cet EPR va-t-il faire baisser nos factures d'électricité ?

Plus d'impact sur le marché à court terme

Ces tarifs observent déjà une tendance à la baisse sur les marchés. "Nous avons désormais une visibilité sur les prix jusqu'à environ la fin de la décennie qui montre après une baisse très rapide (...) une stabilisation à un niveau beaucoup plus bas" que l'année dernière à la même période, a récemment expliqué le PDG d'EDF, Luc Rémont. En juin dernier, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire s'était même engagé à faire baisser de 10 à 15% la facture d'électricité en février 2025, grâce notamment à la production nucléaire. Mais selon les spécialistes, cet EPR seul, aussi puissant soit-il, ne suffira pas à accélérer cette tendance. "Cela permet de jouer un peu à la baisse sur les prix du marché, mais pas énormément parce que ce n'est pas suffisamment d'un coup", explique Nicolas Goldberg, expert en énergie au cabinet Colombus Consulting. 

"C'est sûr que si vous m'aviez dit que demain, on mettait en service six nouveaux réacteurs nucléaires, je n'aurais pas tenu le même discours", ajoute-t-il. Et de résumer ainsi sa pensée : "Cet EPR fait bouger les curseurs dans le bon sens, il est certes puissant, mais ça ne va pas tout changer dans l'immédiat". 

"Un matelas de production" 

Était-il alors nécessaire de courir durant tant d'années après ce réacteur ? Oui, assure Ludovic Dupin, de la Société française d'énergie nucléaire. Selon lui, l'EPR de Flamanville aurait été d'une grande utilité à la fin de l'année 2022 lorsque l'arrêt de nombreux réacteurs pour des problèmes de maintenance, associé au déclenchement de la guerre en Ukraine, avaient fait bondir les prix de l'électricité. "On a dû faire de grosses importations de systèmes de production beaucoup plus chers que le nucléaire. L'EPR, avec sa grosse puissance, amortira ce type de crise", estime l'expert. De façon générale, l'EPR assure "un matelas de production" qui garantit et préserve des prix plus compétitifs en France qu'en Allemagne, par exemple. 

C'est donc en cas de forte tension sur l'offre en électricité que l'EPR présentera une utilité majeure. Il assurera une production minimale d'électricité décarbonée pour répondre aux besoins de la population, et évitera le recours à des solutions plus coûteuses et plus polluantes. Pour Nicolas Goldberg, le nerf de la guerre, pour bénéficier d'une électricité moins chère, résidera aussi dans le respect des délais fixés sur les différents projets de réacteurs nucléaires. "Si on les construit en huit ans et qu'on les finance correctement, ça ira. Mais si on sait que ça prendra cinq ans de plus que prévu, ce sera inquiétant".

Pour alléger les factures dans les années à venir, il faudra donc poursuivre sur la voie ouverte par l'EPR de Flamanville et espérer que les futurs chantiers se révèlent moins chaotiques.