Comment concilier numérique et écologie ? C’est le dilemme auquel s’attaque le gouvernement. Il a présenté mardi une feuille de route avec 15 mesures pour verdir les usages numériques. C’est un secteur qui représente tout de même entre 5 et 10% de l'empreinte environnementale de la France. Les trois quarts de la pollution numérique viennent de la fabrication des appareils électroniques. C’est pourquoi l’exécutif veut démocratiser le recours aux produits reconditionnés, comme les téléphones remis à neuf. Il mise beaucoup sur une filière en plein développement.
L'État veut 20% d'appareils reconditionnés dans ses achats
L'État va d’ailleurs donner l’exemple. Dans sa feuille de route "numérique et environnement", il s’est fixé un objectif : 20% de ses achats d'appareils électroniques (téléphones, ordinateurs portables et fixes, accessoires) devront se faire progressivement à partir de matériel reconditionné. Un cap "ambitieux", selon Bercy, qui précise que l’on parle d’au moins "plusieurs dizaines de milliers" d'appareils. Mais aucune échéance n'a été établie. "Cela va demander un peu de temps. Un premier bilan sera fait dans 18 mois", explique-t-on au cabinet de Cédric O.
Si l'État fait sa part, il compte surtout sur le grand public. Une campagne de sensibilisation sur "les pratiques numériques moins polluantes", pilotée par l'Ademe, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, va être déployée dans le courant de l'année. Le réflexe du réemploi sera l'un des axes majeurs de la communication du gouvernement. Aujourd'hui, un Français sur trois a déjà acheté un appareil électronique reconditionné, preuve que cette pratique, qui remonte au début des années 2000, a fait son chemin. Mais il y a encore une belle marge de progression.
Les Français se familiarisent avec le reconditionnement
"Ce sont des annonces positives. C'est le sens de l'histoire de passer de l'économie du neuf à l'économie circulaire", se réjouit Thibaud Hug de Larauze, cofondateur de Back Market, site leader en France de la vente d'appareils électroniques remis à neuf. Aujourd'hui, toute la procédure de revente peut se faire en ligne et l'achat de reconditionné présente de multiples avantages pour les consommateurs. "Les appareils sont vendus moins chers que le neuf donc il y a un gain de pouvoir d'achat. De l'autre côté, le prix de reprise moyen est de 150 euros sur Back Market. Et même quand c'est moins, il faut se dire que, pour la planète, il vaut mieux le revendre que le laisser traîner au fond d'un tiroir."
D'autant que la revente est la base de l'économie du réemploi. "Pouvoir se sourcer et s’approvisionner en produits d’occasion, c’est un challenge important pour nous", confirme Thibaud Hug de Larauze au micro d'Europe 1. "60% des commandes réalisées en France sur notre site sont réalisées par des reconditionneurs français. On monte à 77% si on élargit à l'Union européenne. L’idée est de passer à 100% de produits reconditionnés en Europe à terme. Pour y arriver, il faut éduquer les Français et les pousser à revendre les produits dont il ne se servent plus."
21 millions d'euros pour booster une filière fragile
Encore faut-il que la filière suive. Derrière les grands acteurs, comme Back Market, Remade ou Recommerce, qui affichent une croissance annuelle à deux voire trois chiffres, il y a tout un écosystème plus fragile. "On estime entre 600 et 1.000 le nombre d'entreprises qui recueillent et remettent à neuf nos appareils usagés, en France", précise à Europe 1 Jean-Lionel Laccourreye, président du SIRRMIET, le Syndicat interprofessionnel du reconditionnement et de la régénération des matériels informatiques, électroniques et télécoms. "Ce sont très souvent de toutes petites structures qui sont passées de la simple réparation à la remise à neuf."
Dans le cadre de sa feuille de route "numérique et environnement", le gouvernement va débloquer 21 millions d’euros pour aider ces entreprises et structurer une filière du réemploi. "Si on crée la demande, l’offre va suivre", assure-t-on à Bercy. Le fléchage de cette enveloppe est encore en discussion avec les professionnels du secteur. "Nous aimerions qu'elle serve à développer la formation et à financer les investissement en matériel de test pour le reconditionnement, matériel parfois coûteux", espère Jean-Lionel Laccourreye. Les arbitrages doivent être rendus courant 2021.