La guerre va continuer à coûter cher aux États du monde : l'OCDE a nettement dégradé sa prévision de croissance mondiale l'an prochain devant les effets plus durables qu'anticipé de la guerre en Ukraine, l'Europe payant la plus grande facture. "Les perspectives de croissance mondiale se sont assombries", a écrit l'Organisation de coopération et de développement économiques dans un rapport publié lundi et intitulé "payer le prix de la guerre". L'absence d'accalmie sur le terrain au huitième mois de l'invasion russe en Ukraine, symbolisée par la récente mobilisation de réservistes par Moscou, incite l'organisation internationale au pessimisme quant au futur proche de l'économie.
Après une année 2022 éprouvante pour les ménages et les entreprises surtout en raison de la flambée inflationniste qui en a résulté, "la croissance mondiale devrait continuer à s'affaiblir en 2023", souligne l'institution basée à Paris. Celle-ci table sur une progression du PIB mondial de 2,2% contre 2,8% anticipés lors de précédentes prévisions en juin, bien qu'elle ait maintenu sa prévision pour cette année à 3% après l'avoir nettement réduite ces derniers mois. "Les pressions inflationnistes sont de plus en plus généralisées, la hausse des prix de l'énergie, des transports et d'autres coûts se répercutant sur les prix", souligne l'OCDE qui a revu en baisse ses prévisions 2023 sur la quasi-totalité des pays membres du G20 à l'exception de la Turquie, de l'Indonésie et du Royaume-Uni dont l'économie connaîtra une stagnation.
2.800 milliards
Pour montrer l'ampleur du choc de la guerre sur l'économie mondiale, l'OCDE a évalué à 2.800 milliards de dollars les pertes financières à anticiper l'an prochain par rapport aux prévisions antérieures à l'arrivée des chars en Ukraine. Ce sont logiquement les pays voisins de Kiev et de Moscou qui subiront les coûts les plus importants d'après l'OCDE : la croissance en zone euro subit la révision la plus importante de toutes les régions du monde avec une croissance attendue à 0,3% contre 1,6% anticipé en juin. La raison principale est la flambée des prix de l'énergie, l'inflation étant anticipée cette année à 8,1% et à 6,2% l'an prochain.
Agitée depuis des mois comme un risque majeur par les principaux prévisionnistes mondiaux, la récession est le scénario anticipé par l'OCDE pour l'Allemagne : la première économie européenne verrait selon l'OCDE son PIB reculer de 0,7% l'an prochain, un plongeon de 2,4 points en comparaison avec la précédente prévision. Ses principaux voisins y échappent : une croissance de 0,4% est attendue en Italie, de 1,5% en Espagne, et de 0,6% en France, là où gouvernement table encore sur 1%.
De son côté, le Fonds monétaire international prévoyait dans ses dernières prévisions remontant à juillet 0,8% de croissance en Allemagne, 1% en France et 1,2% en zone euro, mais il pourrait revoir ses anticipations à la baisse en octobre. Parmi les autres grandes régions, la croissance américaine est attendue par l'OCDE à 0,5% contre 1,2% anticipés en juin, et la croissance chinoise à 4,7% contre 4,9%.
"Incertitude importante"
"Une incertitude importante entoure ces projections économiques", concède l'OCDE, notamment devant le risque de pénuries d'énergie pendant l'hiver. La hausse vertigineuse des prix menace déjà l'activité d'un nombre croissant d'entreprises dont certaines sont contraintes de réduire leur activité. Selon l'organisation, des pénuries plus importantes que prévu en gaz risqueraient par un effet en cascade de réduire le PIB de la zone euro de 1,25 point supplémentaire l'an prochain, ce qui pousserait alors de nombreux États en récession.
Ce scénario est d'autant plus inquiétant que les banques centrales des pays développés et émergents sont fermement engagées à remonter leurs taux d'intérêt pour contenir l'inflation, avec le risque de saper là aussi la croissance. Les hausses de taux sont "un facteur clé" dans le ralentissement en cours, relève l'OCDE, qui appelle toutefois les banquiers centraux à continuer, pour éviter de les remonter plus fortement si l'inflation poursuit son envol.
Les mesures budgétaires ciblées et temporaires aux ménages et aux entreprises font partie de la solution face à l'urgence, souligne l'institution, affirmant que jusqu'à présent les mesures prises contre la hausse des prix de l'énergie ont été "mal ciblées" car profitant souvent à trop de ménages et d'entreprises.