C’est fait. Le groupe PSA a officialisé lundi matin le rachat de la filière européenne de General Motors, comprenant les marques Opel et Vauxhall, pour un montant de 1,3 milliards d’euros. "Cette acquisition change la donne pour PSA, car nous devenons une entreprise avec un chiffre d'affaires de 55 milliards d'euros et une solide deuxième place sur le marché européen" derrière Volkswagen, s’est réjoui Carlos Tavares, président du directoire de l'entreprise française.
Opel perd de l’argent depuis 2000. Pourtant, l’intérêt d’un tel regroupement ne va pas de soi pour PSA. En effet, Opel et Vauxhall (qui vend les mêmes modèles que l’Allemand mais au Royaume-Uni) perdent de l’argent en continu depuis l’an 2000. En 16 ans, la division européenne de General Motors a perdu plus de 15 milliards de dollars ! La situation financière s’est un peu améliorée ces dernières années mais Opel/Vauxhall est toujours en déficit avec une perte de 257 millions de dollars en 2016. La faute au Brexit et à la dévaluation de la livre, avait justifié le président d’Opel lors de l’annonce des résultats annuels. Pour compenser la chute de la monnaie britannique, le prix des Vauxhall avait été revu à la hausse, pénalisant les ventes en fin d’année.
Difficultés chroniques chez Opel. En réalité, les problèmes sont plus profonds chez Opel. D’abord, car les usines du constructeur sont en surcapacité chronique, ce qui entraîne des coûts importants. Ceci est la conséquence du plafonnement des ventes d’Opel et Vauxhall. General Motors n’a jamais souhaité trop faire sortir ses deux marques européennes du Vieux continent. Or, le marché automobile s’est contracté avec la crise économique. Les grands constructeurs européens que sont Volkswagen, Fiat ou Renault s’en sont sortis en allant chercher des débouchés en Amérique Latine ou en Chine. Mais pas Opel qui ne bénéficie pas d’un fort développement à l’international. Enfin, l’image de la marque est vieillissante, avec des modèles phares mais peu renouvelés (Astra, Zafira, Insignia…).
Résorber les pertes. Par conséquent, le rachat d’Opel/Vauxhall ne sera pas immédiatement une excellente opération financière. PSA en a conscience et s’est fixé l’objectif d’un retour à la rentabilité pour ses deux nouvelles marques en 2020. D'ici là, Opel continuera de grever les comptes du groupe automobile français. Peugeot et Citröen se portent bien, permettant à PSA de dégager un bénéfice net de 2,15 milliards d’euros en 2016 et donc d’anticiper les futures pertes d’Opel/Vauxhall.
Deuxième groupe européen. Une fois les pertes des constructeurs allemands et britanniques résorbées, alors PSA profitera pleinement des retombées économiques de cette acquisition. Le groupe français devient un géant européen. Il prend de facto la deuxième place du marché du Vieux continent (16% des ventes), derrière Volkswagen (24%) mais devant l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi (14,5%). L’apport d’Opel/Vauxhall se traduit dans l’immédiat par une augmentation du volume de production du groupe de 40%, pour un total de 4,3 millions de véhicules par an.
Economies et synergies. Cette augmentation de la production est synonyme d’économies d’échelle pour PSA et donc de coûts de production rabotés. D’autant que les gammes des nouvelles et des anciennes marques du groupe sont relativement semblables, ce qui laisse envisager "des synergies industrielles importantes à horizon cinq ans", estime le cabinet Oddo Securities. Comprendre que les différents constructeurs du nouveau groupe pourront partager leurs lignes de production, leurs technologies, la logistique… Les avancées d’Opel en matière de voitures électriques intéressent particulièrement PSA, qui devra tout de même négocier leur utilisation avec General Motors, détenteur des brevets.
Implantations dans trois nouveaux pays. Mais la bonne affaire réalisée par PSA est avant tout géographique. Les emplacements des sites de production en Europe d’Opel/Vauxhall et de Peugeot/Citroën/DS sont complémentaires. Le groupe française s’offre notamment l’accès à des pays où elle n’était pas implantée : la Pologne (deux usines Opel), l’Allemagne (trois usines Opel) et le Royaume-Uni (deux usines Vauxhall). Ce dernier cas est particulièrement intéressant en vue du Brexit. "Il y a l'opportunité d'avoir, au sein du Royaume-Uni, des sites manufacturiers au cas où nous avons un 'Brexit dur'", a déclaré Carlos Tavares, le patron de PSA, après l’annonce de l’acquisition. En cas de sortie ‘dure’ du marché unique, le groupe français aurait toujours accès au marché britannique avec des usines fabriquant des Vauxhall… et pourquoi pas des Peugeot.
Grossir pour se protéger. Finalement, s’il ne fallait retenir qu’un avantage à l’acquisition d’Opel par PSA, c’est de faire grossir le groupe. Jusqu’ici, PSA était un grand constructeur français mais un petit constructeur européen et mondial. Or, dans un secteur soumis à de forts aléas économiques, ‘petit’ est synonyme de ‘fragile’. Avec ce rachat, le groupe français atteint une taille critique qui le met à l’abri d’éventuels plus gros poissons qui auraient pu vouloir l’absorber. Il se protège aussi des variations nationales : un repli du marché français pourra désormais être compensé par les ventes d’Opel et Vauxhall en Allemagne et au Royaume-Uni.
L’emploi, une préoccupation pour les salariés
L’autre versant de cette acquisition concerne l’emploi. En cas de synergies entre les marques, quid de l’avenir des usines et des employés ? Chez Peugeot et Citroën, quatre syndicats (FO, CFE-CGC, CFDT, CFTC et SIA-GSEA) ont affirmé dans un communiqué considérer ce rachat comme une "opportunité intéressante" qu'ils "pourraient se déclarer prêts à accompagner". Ils demandent toutefois des "garanties sur les conséquences stratégiques, économiques et sociales de ce projet". Un comité central d’entreprise est prévu le 22 mars pour répondre aux interrogations des salariés.
Inquiétude en Allemagne. La question de la sauvegarde de l’emploi se pose également du côté allemand. Les pertes d’Opel l’ont contraint à fermer en 2014 l’usine de Bochum qui employait 3.000 personnes. A l’entame des discussions, les comités d’entreprise d’Opel et Vauxhall avait réclamé "une reconnaissance et une application sans équivoque des accords existants pour l'ensemble des sites" des deux constructeurs.
Pas de fermetures d'usine dans l'immédiat. Le patron du groupe PSA, Carlos Tavares, a affirmé lundi qu'il ne serait pas nécessaire de fermer des usines d'Opel, une solution "simpliste" selon lui, tant qu'elles parviennent à respecter des objectifs de productivité. "Je m’engage à donner à l’ensemble de nos équipes les moyens de progresser pour qu’elles atteignent un niveau de performance tel qu’elles soient protégées par leur performance. C’est une véritable protection", a-t-il assuré au micro d’Europe 1.