Les nuages de la récession sont dissipés, pas ceux de l'inflation : la France a enregistré une nette croissance de 0,5% au printemps, mais la hausse des prix, qui a dépassé 6% en juillet, continue à peser sur la consommation. La première estimation du produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre, publiée vendredi par l'Insee, devra certes être confirmée fin août. Mais alors que la croissance au deuxième trimestre était attendue à 0,2% par la Banque de France et à 0,25% par l'Institut national de la statistique, elle s'est finalement établie à 0,5% par rapport au premier trimestre.
"Le chiffre de croissance pour le deuxième trimestre est une victoire de l'économie française dans des temps difficiles", s'est réjoui le ministre de l'Économie Bruno Le Maire à la sortie du Conseil des ministres. "C'est une bonne surprise, mais il faut regarder les détails", a réagi auprès de l'AFP Ana Boata, directrice de la recherche économique chez Allianz Trade. "Le fait que la consommation soit encore en baisse malgré une politique de soutien généreuse est révélateur", a appuyé sur Twitter Gilles Moëc, chef économiste du groupe Axa.
Commerce extérieur
Malgré les dizaines de milliards de dispositifs d'aides aux entreprises et aux ménages déployés par le gouvernement, le soutien budgétaire "peine à compenser l'érosion des revenus réels et/ou la perte de confiance des consommateurs dans un environnement difficile", a-t-il ajouté. L'indice des prix à la consommation, dont l'Insee a publié vendredi matin une première estimation pour le mois de juillet, vient d'ailleurs de franchir la barre des 6% (+6,1% sur un an après +5,8% en juin).
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Et l'Insee "considère qu'on n'est pas encore tout à fait au pic" d'inflation, a rappelé vendredi son directeur des études économiques Nicolas Carnot. "L'inflation reste notre sujet de préoccupation numéro un. Mais nous anticipons une baisse" en 2023, a tempéré Bruno Le Maire.
En dehors de ces points de vigilance, la bonne tenue de l'économie française au deuxième trimestre s'explique par une contribution nettement positive du commerce extérieur à la croissance. Selon cette première estimation des comptes nationaux, les importations ont reculé de 0,6% au deuxième trimestre, tandis que les exportations, tirées notamment par les services de transport et les dépenses des voyageurs étrangers, ont bondi de 0,8%. "À l'inverse, les exportations de biens se replient (-0,6% après +1,4%), notamment dans les matériels de transport et l'agroalimentaire", précise l'Insee.
Contexte "volatil"
Quant à la consommation, traditionnel moteur de l'économie française, elle reste négative pour les achats de biens (-1,3%), mais les achats de services repartent nettement à la hausse (+1,5%). Deux tendances contradictoires qui aboutissent à un recul global de 0,2% de la consommation des ménages au deuxième trimestre. "La consommation de biens et services sur le territoire est notamment soutenue par les dépenses des voyageurs étrangers en France", note l'Insee.
Avec les chiffres publiés vendredi, l'institut évalue à 2,5% l'acquis de croissance de l'économie française pour l'année 2022. Un chiffre "confortable", estime Ana Boata, et conforme à l'anticipation de croissance annuelle du gouvernement. La Banque de France ou le FMI (+2,3%) sont légèrement moins optimistes. Mais entre la guerre en Ukraine et l'inflation qui atteint des niveaux plus vus depuis les années 1980, le contexte économique promet de rester "volatil" d'ici à la fin de l'année, avertit Ana Boata.
Les données de l'Insee sont publiées au lendemain de la parution des chiffres de la croissance américaine au deuxième trimestre (-0,9% en rythme annualisé après -1,6% au 1er trimestre), qui ont techniquement fait entrer le pays en récession. En Europe, l'Espagne (1,1%), l'Italie (1%) ou la zone euro (0,7%) ont comme la France dévoilé vendredi un taux de croissance supérieur aux attentes au deuxième trimestre, mais l'économie allemande a en revanche calé (0%).