Quatre mois de discussions aussi techniques que houleuses et un déficit de 29,4 milliards d'euros à résorber. Syndicats et organisations patronales ont repris depuis lundi leurs négociations sur le régime d’Assurance chômage, des discussions qui s'annoncent d'autant plus compliquée que le chômage est à un niveai historiquement haut. Les partenaires sociaux vont donc devoir innover et pourront s’inspirer d’une mesure iconoclaste : instaurer un bonus-malus en fonction de la durée des contrats de travail. Une idée qui fait l’unanimité de la CGT à la CFDT en passant par la FSU, Solidaires ou encore la CNT.
Les contrats courts sont devenus la norme. Les contrats courts sont désormais au cœur du marché de l’emploi. Alors qu’ils représentaient 67% des nouvelles embauches en 2001, leur part est passée à 86% en 2014 et elle ne cesse de progresser, selon les chiffres du ministère du Travail.
Non seulement les contrats courts sont devenus les plus fréquents, mais ils sont également de plus en plus courts. Entre 1980 et 2011, la durée moyenne d’un CDD a été divisée par trois pour atteindre cinq semaines, selon un rapport du Conseil d’analyse économique (CAE). Si bien que le nombre de CDD de moins d'un mois a bondi de 146% en quatorze ans. De même, la durée moyenne d’un contrat en intérim est passée sur la même période d’un peu plus d’un mois à un peu moins de deux semaines. Le tout est conjugué à un autre effet pervers : "en 2011, plus de 70% des embauches en CDD sont des réembauches chez un ancien employeur".
La collectivité paie le prix de ces contrats courts. Pour l’employeur, l’intérêt de privilégier les contrats courts est évident : cela permet de ne pas s’engager sur le long terme, tout en ayant sous la main des travailleurs prêts à revenir ponctuellement, puisque l’Assurance chômage peut les financer le reste du temps. "Nombre d’entreprises ont adapté leur gestion de la main d’œuvre pour exploiter au mieux les avantages offerts par l’assurance chômage" : les entreprises cumulent les avantages mais transfèrent les inconvénients à l’Assurance chômage, et donc aux autres entreprises et travailleurs.
Pour les employés, ces contrats courts sont la plupart du temps une contrainte : la majorité souhaiterait travailler en CDI à plein temps. Mais paradoxalement, le système d’Assurance chômage est conçu de telle manière qu’il incite les travailleurs précaires à rester dans le statu quo, notamment grâce aux règles actuelles permettant de cumuler revenu d’activité et allocations chômage. Pour un même salaire mensuel, un salarié bénéficie d'une allocation deux fois supérieure s'il travaille à temps plein pendant 15 jours plutôt que s'il est à mi-temps pendant tout le mois.
Résultat, ces entreprises et ces travailleurs cotisent "en courant alternatif" et coûtent plus qu’ils ne rapportent au système d’Assurance-chômage, tandis que les entreprises vertueuses qui privilégient les CDI cotisent plus que la moyenne et "fabriquent" moins de chômeurs. Embarrassant au moment même où le nombre de demandeurs d’emplois bat de nouveaux records et que le déficit du système se creuse.
Un bonus-malus pour taxer davantage les contrats courts. Puisque le système actuel est plus favorable aux entreprises indélicates qu’à celles qui jouent le jeu, il faut donc inverser la logique. D’où l’appel de plusieurs syndicats, associations et collectifs de chercheurs à instaurer un système de bonus-malus sur les cotisations patronales.
Dans une tribune publiée le 18 février dans Le Monde, un collectif d’économistes propose ainsi d'"instituer une modulation de la cotisation chômage employeur en fonction du coût réel mis à la charge de l'Assurance chômage". L’idée serait de rendre dégressive la cotisation assurance chômage employeur : plus le contrat serait court, plus le niveau de cotisation serait élevé. Inversement, plus une entreprise conserverait un employé longtemps, moins les cotisations seraient élevées.
Une telle surtaxe existe déjà mais… Cette surtaxe en fonction de la durée du contrat de travail fera partie des pistes évoquées par les partenaires sociaux d’ici le mois de juin. Pourtant, ce débat a déjà eu lieu : une réforme allant en ce sens a même été adoptée en 2013. Depuis, les cotisations représentent entre 4,5% et 7% du salaire brut pour les contrats temporaires, contre 4% pour les CDI. Sur le papier, les contrats courts coûtent donc plus chers que les CDI. Sauf que cette réforme a été mal calibrée dès sa mise en place : les exonérations sont trop nombreuses et bénéficient aux secteurs où il y a le plus d’abus, dont l’intérim. Résultat, la surtaxe actuelle ne concerne pratiquement personne.