Les députés français adoptent la «taxe Zucman», un impôt plancher sur le patrimoine des «ultra-riches»
Dans une France marquée par un déficit public qui se creuse, l'Assemblée Nationale a adopté jeudi dans la nuit la "taxe Zucman", un impôt plancher sur le patrimoine des "ultra-riches" porté dans l'hémicycle par les écologistes pour lutter contre "l'injustice fiscale", mais décrié par le camp gouvernemental qui y voit une mesure "confiscatoire".
Le texte, inspiré par les travaux de l'économiste Gabriel Zucman, instaure un impôt plancher sur le patrimoine des 0,01% des contribuables les plus riches en France afin de s'assurer qu'ils payent au moins 2% de leur fortune en impôt. "Une immense avancée !" a réagi l'économiste sur le réseau social X après l'adoption du texte. "C'est un pas de géant pour la France et cela pourrait inspirer d'autres pays", a-t-il écrit.
La proposition de loi adoptée par 116 voix contre 39
L'objectif est d'"introduire un minimum de justice", "les ultra-riches" payant en proportion de leurs revenus "presque deux fois moins" d'impôts et de prélèvements que les Français en moyenne, souligné la députée écologiste Eva Sas, rapporteure du texte. Le déficit public de la France doit s'établir à 6,1% du Produit intérieur brut en 2024, largement au-dessus des 3% tolérés par Bruxelles, selon la commission des Finances de l'Assemblée.
La proposition de loi a été adoptée par 116 voix contre 39, avec le soutien des députés de la gauche, l'abstention du Rassemblement national (extrême droite) et une faible mobilisation du camp gouvernemental. Adoptée en première lecture à l'Assemblée à l'occasion de la "niche" parlementaire du groupe écologiste et social, elle n'est en revanche pas encore inscrite à l'ordre du jour du Sénat, dominé par une alliance de la droite et du centre, et où ses chances d'être adoptées sont minimes. Le texte envoie "le signal" que "l'immunité fiscale des milliardaires, c'est terminé", s'est réjouie Eva Sas à l'issue du vote.
15 à 25 milliards d'euros par an
Avec cette contribution, qui concernerait environ 1.800 personnes, 15 à 25 milliards d'euros par an pourraient rentrer dans les caisses de l'État, soit trois à cinq fois que ce que rapportait l'ISF. Concrètement, les foyers fiscaux concernés ne pourraient pas payer moins de 2 millions d'euros d'impôts par an. Problème, le patrimoine visé comprendrait les biens professionnels, avertit Hervé Joly, directeur de recherche au CNRS.
"2%, ça ne paraît pas grand-chose par rapport à des gens qui sont milliardaires. Sauf que quand on regarde les rendements, des participations dans des grandes entreprises ne sont pas forcément si importantes par rapport aux cours de la bourse. Et donc si on doit payer 2% sur quelque chose qui rapporte 1,7%, il va falloir soit vendre des actions ou alors augmenter les dividendes dans des proportions pas très raisonnables pour pouvoir couvrir les 2%", indique-t-il.
Autre écueil, le Conseil constitutionnel pourrait juger la mesure confiscatoire. La proposition de loi a peu de chance d'être adoptée. De son côté, le gouvernement planche actuellement sur l'instauration d'un "impôt minimal différentiel", pour s'assurer que la somme des impôts payés soit au moins égale à 0,5% du patrimoine, en excluant les biens professionnels.