La justice a tranché : Amazon va devoir améliorer les conditions de sécurité sanitaire pour ses employés. Le tribunal de Nanterre a estimé mardi dans un jugement que le géant américain a "de façon évidente méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés". Il interdit donc, jusqu’à nouvel ordre, à Amazon, de préparer et livrer des commandes de produits "non-essentiels", c’est-à-dire autres que l’alimentaire, l’hygiène et les appareils médicaux. Un coup dur qui va obliger le leader du commerce en ligne à s'adapter.
Entre 80 et 90% de l'activité d'Amazon touchée
Difficile de mesurer précisément l'impact économique de cette interdiction pour Amazon. Le géant américain entretient la culture du secret sur ses chiffres. Selon une source syndicale, les produits dits "essentiels" représenteraient à peine 10% du volume de commandes sur Amazon. Un chiffre contesté par l’entreprise, qui affirme à Europe 1 qu’avec le confinement, la demande pour les produits alimentaires et d’hygiène a doublé. Par ailleurs, Amazon souhaiterait obtenir de la justice des précisions sur la définition exacte des produits considérés comme "essentiels".
Quoi qu’il en soit, cela représente une partie très limitée du chiffre d'affaires du géant américain en France. Amazon est donc contraint d’étudier les conséquences de cette décision sur ses entrepôts. "Notre interprétation suggère que nous pourrions être contraints de suspendre l’activité de nos centres de distribution en France", indique l'entreprise. Dès mercredi, des réunions avec les représentants du personnel vont donc être organisées sur tous les sites de France. Premier objectif : s'organiser le plus rapidement possible. Un vrai défi car Amazon bénéficiait à plein du confinement. Livres, articles de sport, machines à pain... les Français ont multiplié les commandes en ligne pour s'équiper chez eux.
"Protéger la sécurité des salariés"
La décision du tribunal ressemble donc à un coup d'arrêt. Et pour les salariés d'Amazon, l'avenir devient soudainement incertain. Exemple à l'entrepôt de Sevrey, près de Chalon-sur-Saône. "Ici, on n'a aucun produit alimentaire, c'est presque exclusivement des vêtements et des chaussures. À part expédier quelques shampoings, je ne vois pas bien ce qu'on va faire maintenant et je ne pense pas que ça justifie le travail de 700 personnes sur le site", estime Antoine Delorme, délégué CGT qui ajoute que la décision de justice "va dans le bon sens".
Il attend désormais d'Amazon de nouveaux efforts en termes de sécurité. "Ça fait un mois qu'on alerte sur les conditions de travail, qu'on attend une prise de conscience de la direction. On demandait un droit de retrait qui était jugé illégitime et donc non payé. Résultat, beaucoup de salariés sont revenus sur leur lieu de travail avec la boule au ventre", assure-t-il. "Le but n'est pas d'attaquer Amazon sur l'activité, c'est simplement pour protéger la santé des salariés."
Évaluation des risques
Contacté par Europe 1, Amazon met en avant les mesure mises en place. "On a déjà fait beaucoup", plaide-t-on en interne. "Nous avons distribué sur nos sites plus de 127.000 paquets de lingettes désinfectantes, plus de 27.000 litres de gel hydroalcoolique, ainsi que plus de 1,5 million de masques", a fait valoir l'entreprise dans un communiqué. Des caméras thermiques prennent la température des salariés et une distanciation social de deux mètres a été imposée. "Dans les faits, il n'y a pas assez de masques pour tout le monde. Et c'est en libre-service, pas obligatoire. Donc, il y a des salariés qui ne respectent pas les consignes", assure de son côté Antoine Delorme.
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Ces mesures n'ont donc pas suffi au tribunal de Nanterre. Dans son jugement, il reproche à Amazon de n'avoir "pas associé les instances représentatives du personnel" à la mise en place de ces mesures et demande une évaluation des risques en bonne et due forme. "Perplexe" et "en désaccord" avec le jugement, Amazon "pense faire appel". Mais celui-ci n'est pas suspensif et la limitation aux produits essentiels doit être appliquée dès mercredi. En cas de non-respect du jugement, Amazon devra payer une amende d'un million d'euro par jour de retard et par infraction. Auprès d'Europe 1, l'entreprise confie donc sa volonté de trouver une solution rapidement pour retrouver une activité normale.