Les verdicts du printemps des agences de notation Moody's et Fitch sur la dette souveraine française sont attendus vendredi soir, alors que l'aggravation récemment annoncée des finances publiques laisse prévoir au mieux des commentaires peu flatteurs. En février, le gouvernement avait dû abaisser de 1,4% à 1% la croissance attendue cette année, et annoncer qu'il devait trouver en urgence 10 milliards d'économies sur le budget de l'Etat. Fin mars, c'est l'Institut national de la statistique (Insee) qui annonçait que le déficit public avait dérapé à 5,5% du PIB en 2023 au lieu de 4,9%. Et comme Bercy a dû reconnaître qu'il serait encore de 5,1% cette année, au lieu de 4,4%, il faut encore réaliser des efforts divers de 10 milliards d'euros jusqu'à la fin de l'année.
Cependant, observant les économistes de la Banque Postale, la mauvaise surprise provient davantage de "recettes inférieures de 21 milliards d'euros aux attentes" l'an dernier, que des dépenses, qui, pour leur part, "ont été maîtrisées : elles augmentent de +3,7 % après +4,0 % en 2022". En proportion du PIB, observant ces économistes dans leur dernière note Rebond, elles "continuent de reculer et s'établissent à 57,3% du PIB après 58,8% en 2022 et 59,6% en 2021", tout en restant à un niveau supérieur à l’avant-Covid.
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Une dette à plus de 3.000 milliards
Les agences s'inquiètent aussi du montant de la dette, qui dépasse les 3.000 milliards d'euros et atteint désormais 110,6% du PIB français. "La dette française se situe 22 points de PIB au-dessus de la moyenne de la zone euro", remarque Rebond : "c'est le troisième ratio le plus élevé de l'UE, après la Grèce et l'Italie." Fitch avait dégradé la note souveraine de la France en avril 2023, l'abaissant d'un cran à AA-, avec une perspective « stable ».
Ce mois-ci, tout en jugeant "peu ambitieux et de plus en plus hors de portée" les objectifs de réduction du déficit avancé par le gouvernement d'ici à 2027, l'agence a indiqué qu'elle n'abaisserait pas de nouveau la note, sauf « improbable » nouvelle aggravation importante de la dette. Moody's, qui place la France à Aa2 - un cran au-dessus de Fitch - avec une perspective "stable", juge elle aussi "improbable", comme le FMI ou comme le Haut Conseil des Finances publiques (HCFP), l'hypothèse d' un redressement du déficit public sous les 3% du PIB en 2027, annoncé par le gouvernement pour se conformer aux obligations de Bruxelles.
Une perspective négative ?
L'agence abaissera-t-elle sa note vendredi, ou assortira-t-elle la note actuelle d'une perspective "négative" ? Moody's a déjà souligné fin mars "les risques" liés à "des hypothèses économiques et de recettes optimistes, ainsi que des baisses sans précédent de la dépense". L'agence peut choisir, comme elle l'avait fait en octobre, de laisser passer ce rendez-vous semestriel sans rendre d'avis. Mais "à l'aune" des derniers commentaires faits par Moody's, souligne Rebond, "la notation de la dette française devrait être contestée dès le mois d'avril".
Malgré leurs critiques récurrentes, les agences ont fait preuve d'une certaine "magnanimité" envers la France ces dernières années, en lui conservant des notes parmi les meilleures du monde, en raison de la "liquidité" de sa dette ou de la solidité des banques françaises, remarque Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of management. "Mais le risque est que ces arguments deviennent insuffisants pour éviter une dégradation", prévient-il. Bruno Le Maire veut rester "serein" dans la tempête : "les agences font leur travail, moi je fais mon travail de ministre des Finances qui consiste à rétablir les comptes publics", a-t-il redit mercredi sur BFM Business.
Le ministre aura encore à affronter le verdict de la troisième agence, et la plus regardée, le 31 mai, à neuf jours des élections européennes. S&P note actuellement la France AA, équivalente au Aa2 de Moody's, mais sa perspective est négative.