Nouvelle alerte sur la santé des banques européennes

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Habituée à faire partie des poids lourds de la finance en Europe, la Deutsche Bank est actuellement au plus mal. © DANIEL ROLAND / AFP
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Le dernier rapport du FMI s’inquiète des difficultés de plusieurs banques de la zone euro. A raison ?

La montée des protectionnismes et les dysfonctionnements de la mondialisation menacent la croissance mondiale, a averti mercredi le Fonds monétaire international (FMI). Mais son rapport sur les perspectives de l’économie mondiale évoque aussi un autre problème, qui concerne plus particulièrement les Européens : l’état de santé de leurs banques. A la moindre secousse, les plus faibles pourraient perdre pied, voire emporter dans leur chute le reste du système bancaire de la zone euro.

Quelles banques inspirent la méfiance ? Le FMI souligne dans son rapport les difficultés de "beaucoup de banques dans la zone euro" sans en citer une en particulier. Il est néanmoins possible de se faire une idée des établissements bancaires en question en se penchant sur les derniers résultats des tests de résistance menés en Europe pour vérifier l’état de santé des banques. Fin juillet, l’Autorité bancaire européenne soulignait que 12 des 51 banques testées étaient dans une situation fragile, principalement en Italie et en Irlande, mais que cette inquiétude concernait également des établissements allemands. Et la France dans tout cela ? Ses banques avaient passé les stress tests sans difficulté, grâce leur modèle consistant à être à la fois une banque de dépôt et une banque d’investissement.

Parmi ces établissements sous surveillance, deux noms concentrent toute l’attention : l’Italienne Banca Monte dei Paschi di Siena (BMPS) et l’Allemande Deutsche Bank. Et ce ne sont pas n’importe quelles banques : l’une est la plus ancienne banque au monde encore en activité et le troisième plus gros établissement bancaire en Italie, tandis que l’autre est la première banque allemande et un poids lourd en Europe.

Pourquoi cette succession d’alertes ? L’ensemble des banques européennes sont confrontées à plusieurs défis : une faible croissance depuis plusieurs années, des taux d’intérêt historiquement bas et des inquiétudes sur les conséquences du futur Brexit. Résultat, l’activité des banques stagne et, surtout, elles sont moins rentables. A cela s’ajoute l’héritage de la crise des subprimes : les banques ont encore d’importantes créances douteuses – c’est-à-dire des prêts qui ne seront peut-être jamais remboursés –, et certaines doivent en plus payer des amendes pour leur responsabilité dans cette crise.  

C’est justement le cas de deux banques actuellement sous haute surveillance. La Banca Monte dei Paschi di Siena a multiplié les créances douteuses et n’a pas assez d’argent pour survivre si ces dernières ne sont pas remboursées. Résultat, la banque a perdu 85% de sa valeur en Bourse depuis le début de l’année, son patron a été contraint à la démission début septembre et il lui est désormais interdit de réaliser certaines opérations. Elle est donc considérée comme le maillon faible du système bancaire italien et n’est pas encore arrivée à convaincre des investisseurs de lui prêter 5 milliards d’euros.

De son côté, la Deutsche Bank a elle aussi multiplié les placements très risqués et pourrait tout perdre à la moindre secousse économique. Car la banque n’a plus les reins assez solides : sa valeur en Bourse a chuté de plus de 40% depuis le début de l’année, après un exercice 2015 qui s’est conclu par une perte de 7 milliards d’euros. Mais, surtout, la Deutsche Bank a été très impliquée dans de nombreux scandales – elle doit faire face à près de 8.000 litiges judiciaires - et notamment dans la crise des subprimes qui va lui coûter au moins 5,4 milliards d’euros. Or, la Deutsche Bank est indispensable au bon fonctionnement de la première puissance économique européenne : une faillite pourrait paralyser une grande partie de l’activité outre-Rhin, comme l’a souligné récemment un collectif de chefs d’entreprises allemands.

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© PHILIPPE HUGUEN / AFP

Des difficultés qui risquent de durer. La situation de ces banques inquiète d’autant plus que personne n’anticipe une nette et rapide amélioration de l’activité économique en Europe. Ni une remontée rapide des taux d’intérêt. Ces établissements doivent donc faire le dos rond, sauf que cette épreuve arrive au pire moment : les banques ont entamé depuis le début des années 2010 une double révolution.

D’un côté, les législateurs ont décidé de lui imposer des règles bien plus strictes pour les obliger à se montrer plus prudentes et, accessoirement, pour que les citoyens n’aient plus à régler la facture finale à leur place. Ces réformes ont été baptisées Bâle I, II puis III et ont coûté cher aux banques, obligées de mettre bien plus d’argent de côté, au cas où. Ces dernières gagnent donc moins d’argent et cela risque de continuer : un nouveau paquet de règles, baptisé Bâle IV, est actuellement en préparation et vivement combattu par les banques. Et pour ne rien arranger, les lents progrès de la lutte contre la fraude fiscale les oblige à arrêter ou à dissimuler davantage certaines pratiques. Bref, les banques ne peuvent plus gagner de l’argent aussi facilement et rapidement qu’avant et doivent diversifier leur activité.

De l’autre, les banques du monde entier sont en pleine mue et même les plus mal en point sont obligées de suivre la tendance. Le métier de banquier est en effet en train de changer sous le coup du numérique : les clients désertent les agences et migrent sur internet. Les banques sont donc en train de fermer une partie de leurs agences, de rénover les autres et de supprimer des emplois. Deutsche Bank prévoit ainsi de supprimer 9.000 postes, dont 4.000 en Allemagne. Pas idéal lorsqu’il faut réinventer son modèle de fonctionnement.

Vers une crise comme en 2008 ? Bien que les nuages s’amoncellent sur les banques européennes, et plus particulièrement sur la Deutsche Bank et la BMPS, il est impossible de prévoir si l’orage va éclater. Ce qui est en revanche sûr, c’est que les banques sont désormais plus surveillées qu’auparavant et obligées de prendre moins de risques depuis les normes Bâle. En outre, la zone euro a appris de la crise des dettes souveraines et dispose désormais d’un pare-feu pour éviter un effet boule de neige.

Sans oublier que les pouvoirs publics sont bien moins enclins à sauver les banques à tout prix. Interrogé sur un possible sauvetage de la Deutsche Bank, le président de l'Eurogroupe  Jeroen Dijsselbloem s’est montré très clair le 30 septembre dernier ! "L'entreprise elle-même doit régler les choses (…) En Europe, nous avons maintenant déterminé de manière régulière et légale qu'une banque devait résoudre ses propres problèmes", a-t-il prévenu. Si les pouvoirs publics doivent à nouveau intervenir en dernier ressort, ces derniers seront bien plus regardants.