Ses travaux ont inspiré le programme économique d'Emmanuel Macron. Pourtant, dix-huit mois après l'élection du président, et trois semaines après le début du mouvement des "gilets jaunes", l'économiste Philippe Aghion, invité d'Europe 1 mardi matin, soupire en comptant les "erreurs" du gouvernement. Des erreurs qui viennent masquer selon lui les décisions de l'exécutif qui vont dans le bon sens.
De bonnes réformes mais… "Le président et le gouvernement ont mis en chantier des réformes structurelles qu'il fallait faire depuis longtemps : le passage à la 'flat tax' sur revenus du capital, la réforme du marché du travail, la réforme de la formation professionnelle, la réforme du système éducatif. Il faut maintenant faire d'autres réformes : les retraites, l'assurance-chômage, et la réforme de l'Etat. Ce sont des réformes indispensables pour nous mettre sur le chemin d'une croissance soutenue et durable, car c'est le seul moyen d'avoir une progression du pouvoir d'achat à long terme", soutient l'économiste au micro de Nikos Aliagas.
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Retraites, carburants, APL… Des "erreurs". Le problème selon Philippe Aghion, c'est le coût que suppose cette transition souhaitée par Emmanuel Macron. Plutôt que de faire preuve d'imagination, le gouvernement va chercher l'argent dans les poches des Français, en les taxant ou en réduisant leurs aides. "Taper sur les retraités, c'était une erreur. Faire une hausse de la taxe carburant par-dessus la hausse du prix du pétrole, c'était une erreur. Les APL, c'était une erreur", égraine l'économiste, désappointé.
"Des mesures prises pour des raisons purement budgétaires". "Ils avaient le sentiment que ça passait. À mon avis, sur la taxe carbone, ils se sont dit qu'ils pouvaient faire d'une pierre deux coups : 'on fait rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat et on apparaît écologique'. Ça n'a pas marché", avance le professeur au Collège de France, et ancien professeur à Harvard. "Il y a des mesures qui sont prises pour des raisons purement budgétaires, sans penser aux répercussions sur les populations les plus vulnérables. On ne se met pas dans les chaussures des plus modestes, et ça c'est la logique Bercy", dénonce-t-il.
Pour un "grenelle de la fiscalité, du social et de l'environnement". Philippe Aghion se satisfera sans doute de l'annonce d'Edouard Philippe mardi matin. Pour calmer la colère des "gilets jaunes, le Premier ministre a décidé d'accéder à leur demande en mettant en place un moratoire sur la hausse de la taxe sur les carburants prévue le 1er janvier. "C'est le minimum", avait dit quelques minutes plus tôt l'économiste, "mais ce n'est pas suffisant." "Il faut faire un vrai grenelle de la fiscalité, du social et de l'environnement. Et il faut aller très vite, le convoquer tout de suite. On est comme en 68. Il faut avoir l'intelligence qu'a eu Pompidou à l'époque."