Il ne s’agirait que de discussions préliminaires, souligne l’agence Bloomberg, mais cette seule hypothèse à de quoi bouleverser le paysage des télécoms français. Selon l’agence d’informations économiques, le groupe Orange envisagerait de mettre la main sur les activités télécoms et médias du groupe Bouygues. C’est-à-dire rien de moins que le groupe TF1 et l’opérateur Bouygues Telecom. L’information a depuis été démentie par les intéressés mais elle montre que les grandes manoeuvres dans les médias français ne sont probablement pas finies.
Orange tenté par un mariage avec Bouygues ? D’après l’agence Bloomberg, le premier opérateur français de télécommunications aurait déjà entamé des discussions préliminaires avec le groupe Bouygues. Orange, qui cherche à se développer pour contrer la montée en puissance du groupe SFR depuis son rachat par Patrick Drahi, aurait proposé à Bouygues de racheter ses activités dans les médias et les télécoms en échange d’actions Orange. Et l’agence Bloomberg de préciser qu’aucune proposition formelle n'a encore été déposée, les deux entreprises devant au préalable analyser les risques d’un tel mariage.
Une opération immédiatement démentie. Bien que l’agence Bloomberg cite trois sources proches du dossier, les deux intéressés ont rapidement démenti cette information. Orange s'est refusé "à commenter les rumeurs de presse qui animent artificiellement le marché depuis maintenant deux ans". Bouygues a pour sa part affirmé dans un communiqué n’avoir "aucun projet de sortie des secteurs des télécoms et de la télévision".
Et qui pose de nombreuses questions. Un tel mariage n’est donc pas encore d’actualité. Quand bien même Orange mettrait la main sur le pole médias du groupe Bouygues, cette opération serait tout sauf évidente.
D’un point de vue humain d’abord : Martin Bouygues a toujours considéré TF1 comme une entreprise stratégique et n’a jamais été vendeur, même lorsque TF1 a perdu de sa superbe et vu ses résultats chuter à partir de 2008 à cause de l’essor de la TNT. S’il ne l’a pas vendu au moment où TF1 valait deux fois plus cher, il a peu de raisons de le faire maintenant. Même constat en ce qui concerne Bouygues Telecom : c’est la création de Martin Bouygues et ce dernier a déjà refusé une offre très généreuse de Patrick Drahi. Ce dernier proposait en juin 2015 10 milliards d’euros, c'est-à-dire 25% de plus que la valorisation de Bouygues Telecom. En vain.
Du côté des télécoms, l’autorité de la concurrence pourrait empêcher un tel mariage pour protéger les consommateurs : les deux opérateurs réunis pèseraient près de 50% du marché français des télécoms. Sans oublier que le marché français repasserait à trois opérateurs, alors que l’arrivée en janvier 2012 du groupe Free dans le mobile avait provoqué une guerre des prix dont les clients sont sortis gagnants.
Mais pourquoi Orange voudrait-il avaler Bouygues Telecom ? Ce possible rachat n’est pas évident pour Orange non plus. Deux tendances sont à l’œuvre dans le domaine des télécoms : la convergence entre les "tuyaux" et les contenus d’un côté, la convergence entre les réseaux fixe et mobiles d’autre part.
Détenir les réseaux télécoms et proposer des contenus qui vont avec est l’une des stratégies suivies actuellement dans le secteur. Et notamment par Patrick Drahi : après avoir mis la main sur les tuyaux (Numericable et SFR), ce dernier multiplie les achats dans les médias (Libération, le groupe L’Express-L’expansion et bientôt le groupe NextRadioTV dont dépend BFM). Dernier épisode en date de cette course aux contenus : son groupe a acquis les droits télé du championnat anglais de football au nez à et la barbe du groupe Canal+.
Orange pourrait faire de même avec TF1 et son catalogue : ce dernier possède notamment les droits télé de l’équipe de France de football et a conclu des accords avec certains studios de cinéma pour être le premier à diffuser leurs films. Sauf qu’Orange suit une trajectoire inverse : après avoir disposé de sa propre offre de médias, ce dernier réduit la voilure depuis plusieurs années. Il a mis fin à la chaine Orange Sport, a réduit son implication dans le financement du cinéma et vient de vendre la plateforme de vidéos en ligne Dailymotion au groupe Vivendi. Revenir dans le secteur des médias serait donc un virage inattendu et risqué. Reste l’autre intérêt d’une telle manœuvre : devenir le leader incontesté des offres couplées fixe-mobile et creuser une bonne fois pour toute l’écart avec SFR, son rival le plus sérieux.