Son visage et son nom ne sont pas encore bien connus du grand public. Ils ne devraient pas tarder à l'être, au rythme des prises de parole à la sortie de réunions à Matignon ou au ministère du Travail, des manifestations et des réformes socio-économiques. Pascal Pavageau est devenu, vendredi, au terme d'une semaine de congrès très agitée, le nouveau leader de Force Ouvrière. Prenant la succession de Jean-Claude Mailly, cet ingénieur de 49 ans ambitionne de faire basculer le syndicat vers une nouvelle ère, plus contestataire. Et de devenir une nouvelle épine dans le pied du gouvernement.
Mailly jugé trop conciliant. L'intégralité du congrès FO de Lille a été l'occasion de montrer d'une part, les profondes divergences entre l'ex-secrétaire général et son successeur, de l'autre, l'aspiration de nombreux membres du syndicat à l'adoption de positions beaucoup plus dures envers l'exécutif et sa politique. "Jean-Claude, à ta sortie de Matignon, nous avons été profondément déçus par tes propos très peu critiques, voire consensuels, envers les ordonnances [de réforme du code du travail]", a ainsi tonné à la tribune Jean-Louis Basset, cheminot à Lyon. "Cette déception a laissé la place à la colère de nos militants et adhérents." Car c'est bien l'attitude, jugée trop conciliante, du secrétaire général sortant à l'automne dernier qui suscite le mécontentement. À l'époque, Jean-Claude Mailly avait refusé d'appeler à manifester, jusqu'à ce qu'il y soit finalement contraint par le comité confédéral national de FO.
" [Avec Jean-Claude Mailly], on a travaillé ensemble depuis 2009. Sur la dernière année, nous avons eu une divergence forte de positionnement et de stratégie. "
FO en passe de durcir sa position. Plus sévère encore, Nadine Hourmant, secrétaire départementale FO dans le Finistère et salariée chez Doux, a accusé cette semaine l'ancien secrétaire général d'avoir "vendu la classe ouvrière à Macron et au Medef". Des reproches également adressées par Pascal Pavageau lui-même. "[Avec Jean-Claude Mailly], on a travaillé ensemble depuis 2009", a raconté ce dernier à France 3 en début de semaine. "Sur la dernière année, nous avons eu une divergence forte de positionnement et de stratégie." Lui se définit comme un "FO canal historique". Et promet qu'il va adopter une ligne plus contestataire que son prédécesseur. Ironie de l'organisation, le jour de l'ouverture du congrès FO, lundi, Pascal Pavageau était assis tout à gauche de l'estrade, Jean-Claude Mailly à droite.
Troisième syndicat du pays. Ce nouveau chapitre qui s'ouvre pour FO n'est assurément pas la meilleure nouvelle de la semaine pour Emmanuel Macron. Avoir sinon le soutien, du moins la bienveillance de Jean-Claude Mailly, était un argument de poids pour l'exécutif, qui pouvait ainsi "cornériser" la CGT à l'extrême gauche et s'appuyer sur FO, troisième syndicat de France, premier dans la fonction publique d'État, et la CFDT, devenue premier syndicat du pays l'année dernière.
" Il va durcir la position de FO, mais c'est quelqu'un avec qui la discussion est possible. "
"Pas la même vision de la société". Mais ça, c'était avant. Désormais, il faudra composer avec Pascal Pavageau, prêt à sonner la charge contre la politique gouvernementale. L'ingénieur et le président se connaissent. Ils se sont rencontré à plusieurs reprises, à Bercy puis pendant la campagne de 2017. "J'avais bien repéré que [Emmanuel Macron et moi] ne partagions pas la même vision de la société et qu'il défendait une logique d'individualisation", raconte Pascal Pavageau dans les colonnes de Paris Match. Mais en le découvrant à l'Élysée, le syndicaliste a également découvert la méfiance du président à l'égard des corps intermédiaires, et notamment des syndicats. "[Les] reléguer à l'ancien monde est une erreur historique et démocratique. Où est la modernité à vouloir 'déprotéger' ? Plus d'un siècle d'histoire syndicale ne peut être balayée."
"La discussion est possible". S'opposer, d'accord, mais pas question pour autant de le faire de manière bête et méchante, a prévenu Pascal Pavageau. "Il va durcir la position de FO, mais c'est quelqu'un avec qui la discussion est possible", anticipe Raymond Soubie, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, dans Paris Match. L'intéressé confirme à Libération qu'il n'est "pas adepte de la chaise vide chaque fois qu'on nous invite à négocier".
Du côté du gouvernement, on avance prudemment. "Pascal Pavageau va arriver et marquer son style", a sobrement commenté Muriel Pénicaud sur Europe 1 lundi. "Il vient du secteur public, il va prendre ses marques et on va voir les positions qu'il va prendre." Et le nouveau secrétaire général de FO de prévenir, dans Libération : "Dans ma tête, je suis candidat depuis 2011. Le moins qu'on puisse dire, c'est que je suis prêt."