C'est tout un secteur qui s'inquiète. Depuis plusieurs semaines, les professionnels du bâtiment alertent contre le risque d'une pénurie de matériaux de construction, notamment du bois, et d'une flambée des prix. En effet, les prix de certains matériaux ont explosé, avec parfois +30, +40, +50% pour l'acier, le bois ou le encore le PVC. Une situation qui s'explique notamment par l'épidémie de coronavirus, mais aussi par les fortes exportations des États-Unis.
Tout d'abord, l'épidémie a complètement désorganisé les filières d'approvisionnement. Les usines et les chantiers qui étaient à l'arrêt ont redémarré brutalement en début d'année. Chacun a essayé de se fournir là où la production a repris, ce qui fait grimper les prix. Par ailleurs, le prix de fret, donc du transport des marchandises a explosé : + 400% pour les conteneurs, dont beaucoup étaient coincés aux quatre coins du globe. Enfin, autre facteur : une taxe de Donald Trump sur le bois canadien. Les États-Unis se fournissent en Europe, ce qui fait grimper les prix.
L'inquiétude des professionnels : "Je n'ai jamais connu ça"
Sur le terrain, cette hausse des prix est d'ores et déjà ressenti par les artisans, comme Pierre Briodeau, patron de l'entreprise Safrans, située à Grandchamps-des-Fontaines, au nord de Nantes, et spécialisée dans la construction de maisons en bois.
"On a failli arrêter l'entreprise, parce qu'on n'avait plus les panneaux de bois et qu'on arrivait plus à se fournir", témoigne-t-il au micro d'Europe 1. Car sa société doit affronter à la fois la pénurie de matériaux, mais aussi la hausse du prix des matières premières qui en résulte. "Moi, je n'ai jamais connu ça", assure le chef d'entreprise.
L'ESSENTIEL CORONAVIRUS
> Covid-19 : y a-t-il réellement un risque de contamination en extérieur ?
> Coronavirus : pourquoi un test PCR peut-il être positif un mois après une infection ?
> Les fêtes privées sont-elles vraiment interdites avec le couvre-feu ?
> Le variant anglais engendrerait des symptômes un peu différents
> Audio, webcams... Quand la technologie s'adapte au télétravail
Et si aujourd'hui, la société de 16 salariés peut quand même honorer ses prochains contrats, c'est parce qu'elle s'est constituée un stock à l'arrière du bâtiment. "D'habitude, on a une palette d'avance. Là, on en a plus du double", explique Pierre Briodeau. Mais ce réflexe augmente lui-même la pénurie, et donc la flambée des prix. Le gérant est bien conscient de ce cercle vicieux, mais il n'a pas le choix s'il veut éviter que la facture finale ne soit supérieure au devis initial.
Le secteur demande un gel des pénalités de retard
Cette flambée des prix "est vraiment très préoccupante pour le marché du bâtiment", alerte Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), invité mercredi de la matinale d'Europe 1, disant avoir "tiré la sonnette d'alarme au niveau du gouvernement".
Pour ce spécialiste, les conséquences pourraient être très importantes pour les acteurs du secteur. Car si la pénurie bloque déjà certains chantiers, il redoute "la double peine pour les entreprises", avec des sociétés qui achèteraient les matériaux beaucoup plus chers que prévu et feraient alors "des chantiers à perte", tout en dépassant les délais en raison de la pénurie et se voyant finalement imposer des pénalités de retard. Aussi, la FFB demande "le gel des pénalités de retard" ainsi qu'une "actualisation des prix".
Un retour à la normale "pas avant plusieurs mois"
Si la situation inquiète, peut-on toutefois espérer un prochain retour à la normale ? "Oui, mais pas avant plusieurs mois", répondent des experts du secteur à Europe 1. "Je pense qu'on va avoir des difficultés pendant plusieurs mois. Donc, il va falloir trouver des solutions en interne au niveau européen", estime Olivier Salleron.
Du côté du ministère de l'Économie, on assure surveiller la situation de près, tandis qu'au ministère de l'Industrie, on pense que la situation pourrait rentrer dans l'ordre dès juin. Mais les professionnels, eux, sont loin d'être aussi confiants. Un chef d’entreprise confie ainsi à Europe 1 qu'il ne répond plus aux appels d'offres, faute de visibilité sur les prix et les délais de livraison.