Après avoir repoussé sa présentation d’une semaine, le gouvernement a levé le voile mercredi sur sa "stratégie logement", destinée à accroître et redynamiser le parc immobilier français, et qui doit lui permettre de réaliser des économies conséquentes. Un plan construit autour de trois axes, comme l’ont expliqué le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard et le secrétaire d’État Julien Denormandie : "construire plus, mieux et moins cher", "répondre aux besoins de chacun, y compris les plus fragiles, sur tout le territoire", "améliorer le cadre de vie personnel et global". Concrètement, il ne s’agit pas d’un projet de loi mais d’un ensemble de mesures, règles et pistes de réflexions, qui seront retravaillées pour donner naissance, en fin d’année, à la loi "logement et mobilité". Europe1.fr vous détaille les changements à venir.
Inciter à la vente et à la location
Afin de soutenir la construction de logements neufs et de faciliter la mobilité d’un logement à l’autre, le gouvernement a décidé de mettre la main à la poche. Deux aides publiques, le prêt à taux zéro (PTZ) octroyé aux ménages accédant à la propriété et l'avantage fiscal "Pinel" consenti aux particuliers achetant un logement pour le louer, seront "prolongées pendant quatre ans" mais réduites, a annoncé Julien Denormandie. Une satisfaction pour les promoteurs et les constructeurs, dont l’activité repose grandement sur ces aides publiques, puisqu’elles aident les potentiels acheteurs.
Aides valables dans les grandes villes. De 2018 à fin 2021, ces aides seront "mieux ciblées pour construire plus vite en zone tendue et soutenir la revitalisation dans les zones détendues", a précisé le secrétaire d'État à la Cohésion des territoires. Comprendre par là qu’elles concerneront essentiellement les grandes villes et les zones périurbaines mais qu’elles ne seront plus disponibles dans les zones rurales.
Par ailleurs, le plan du gouvernement pour accélérer la construction passe aussi par des abattements fiscaux sur les plus-values pour la vente de terrains en zones tendues (zone où il n’y a pas assez de logements). Valable pendant trois ans à compter de l’achat du terrain, ce dispositif incitatif doit permettre d'accélérer la libération du foncier et de construire rapidement des logements. Auparavant, cette mesure serait intervenue au bout de 22 ans de propriété. Là encore, la priorité est donnée au logement social. "Cet abattement sera de 100% pour la vente de terrains permettant de construire du logement social, de 85% pour du logement intermédiaire, et de 70% pour du logement libre", a détaillé Julien Denormandie.
Faciliter le logement des jeunes
Durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis d’aider les étudiants et les jeunes actifs à se loger. Pour tenir cet engagement, le gouvernement prévoit de construire 60.000 logements pour les étudiants et 20.000 destinés aux "jeunes actifs", sur le quinquennat. Il s’attaque également à l’aspect financier de la question, en proposant une "solution de garantie à l'ensemble des étudiants locataires sans conditions de ressources et pour tous les logements". Dans les faits, il s’agit d’une extension de la garantie existante, Visale, financée par Action Logement, a ajouté Jacques Mézard.
Autre nouveauté, la création d'un "bail mobilité de un à dix mois", pour les étudiants et les personnes en formation. "Aucun dépôt de garantie ne sera demandé", a assuré Julien Denormandie. Un vrai changement pour les jeunes précaires. En effet, actuellement, la plupart des propriétaires exigent que le contrat de travail du locataire couvre totalement la durée du bail, soit un an minimum pour un meublé et trois ans pour un logement vide. Ce nouveau bail court devrait permettre aux jeunes en contrat temporaire d’accéder plus aisément à la location.
Réduire les aides au logement
C’est la mesure la plus critiquée du plan du gouvernement : la baisse des aides au logement de cinq euros par mois, annoncée au cœur de l’été. Un coup dur, entre autres, pour les 2,6 millions de bénéficiaires des APL. Cette baisse sera effective dès le 1er octobre, avant d’être pérennisée l’an prochain. Mais la baisse pourrait être en réalité encore plus forte quand la loi "logement et mobilité" sera entrée en application.
En effet, les APL seront calculées sur les revenus en temps réel, et non plus sur les revenus d’il y a deux ans, comme c’est le cas actuellement. Or, la logique veut que les revenus augmentent d’année en année. Le nouveau mode de calcul risque donc d’entraîner une baisse des aides plus soudaine qu’avec l’actuel système. Le gouvernement espère en tirer deux milliards d’euros d’économie. Par ailleurs, si les revenus des parents d’étudiants qui bénéficient d’APL dépassent un certain seuil, qui reste à définir, alors les APL de l’enfant pourraient être supprimées.
Réviser le modèle du logement social
En plus de la baisse de cinq euros pour tous les bénéficiaires, le gouvernement envisage de porter la baisse des APL pour les locataires de HLM à 60 euros par mois. Pour tempérer la grogne suscitée par cette annonce, le gouvernement a prévu un système faisant supporter la baisse aux bailleurs sociaux. Ils pourraient être contraints de baisser les loyers de leurs locataires touchant l’APL, ce qui entraînerait mécaniquement une baisse du montant de l’aide. Le dispositif devrait rapporter 1,4 milliard d’euros.
Un dispositif "pas soutenable". Le plan logement ne stipule pas quels sont les loyers concernés ni les conditions de baisse des loyers, mais la réaction courroucée des organismes gestionnaires des HLM ne s’est pas faite attendre. "Le Mouvement HLM rappelle que cette mécanique de baisse parallèle des APL et des loyers dans le parc social n'est pas soutenable et qu'elle n'améliorera en rien le pouvoir d'achat des locataires bénéficiant de l'APL. Il s'agit d'une mesure dictée par la volonté de baisser les dépenses de l'État en s'attaquant aux plus faibles", dénonce le collectif d’organismes dans un communiqué.
Le plan logement doit aussi accélérer le turnover dans les HLM. Pour éviter les locations "à vie", la situation des locataires sera désormais réexaminée tous les six ans. La mesure fait déjà polémique, certains locataires craignant de devoir rendre les clés de leur appartement, auxquels ils sont attachés, au motif qu’il est trop grand pour eux (pour les personnes qui vivent seules) ou qu’il conviendrait mieux à une autre famille. Enfin, pour réaliser des économies, le gouvernement veut aussi accroître la vente de logements HLM à leurs occupants en passant à 40.000 par an, contre 8.000 à 10.000 aujourd’hui. Reste à trancher quels types de logements sociaux seront concernés.