La France s’organise pour lutter contre les cyberattaques. Sur demande d'Emmanuel Macron, un "Campus Cyber" va ouvrir ses portes en novembre, à La Défense. Un lieu unique sur notre territoire pour regrouper tous les acteurs de la sécurité informatique. Présenté en octobre, il a été détaillé jeudi par les différentes forces impliquées dans sa gestion, à savoir des entreprises et des organismes d'État alliés dans un partenariat public-privé. L'objectif est clair : unir ses forces pour monter en puissance et faire jeu égal avec des cybercriminels toujours plus inventifs.
Un projet collectif pour doper la cybersécurité "à la française"
Ce projet a été impulsé en 2019 par Emmanuel Macron. Le Président de la République avait confié une lettre de mission à Michel Van Den Berghe, patron d'Orange Cyberdéfense, afin qu'il élabore un campus qui aurait vocation à devenir le centre névralgique de la cybersécurité française. "On le voit bien en ce moment, la menace est très élevée, il y a des cyberattaques tous les jours. On a besoin de faire de l'intelligence collective", plaide celui qui sera, en plus de ses fonctions chez Orange, président du "Campus Cyber".
Nous sommes ce matin plus de 1000 connectés pour parler du @CampusCyberFr, un des piliers de la stratégie nationale cyber. #cybersecurite : la France à l’offensive ! RDV cet automne pour l’ouverture.
— Cédric O (@cedric_o) March 18, 2021
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"Je suis un peu catastrophé. On vit dans un monde dans lequel les criminels attaquent les hôpitaux, en pleine pandémie mondiale", appuie Guillaume Poupard, directeur général de l'Anssi, l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information, impliquée dès la conception du projet. "En matière de cybersécurité, Israël et la Russie se démarquent. Mais ce qu'ils font n'est pas adapté aux spécificités françaises. Ici, il n'y a pas de barrière entre public et privé, entre petits et grands acteurs", complète-t-il. C'est pour accentuer ce particularisme que le "Campus Cyber" verra le jour.
Un bâtiment flambant neuf à La Défense
Dans cette optique, un nouveau bâtiment a vu le jour au bout de l'esplanade de La Défense, avec un budget de 150 millions d'euros. 25.000 m2 de bureaux conçus pour être partagés, avec des emplacements dédiés à chaque entreprise ou agence qui fait partie du projet, et des espaces collectifs pour interagir. Une soixantaine de partenaires sont déjà impliqués dans le "Campus Cyber". Il y a de grands groupes (Orange, Atos, Capgemini, Thales), des PME, des start-ups, l'Anssi donc, des ministères et des services de gendarmerie spécialisés.
Chaque entité va dépêcher des équipes sur place mais le bâtiment ne sera pas un lieu de passage. "On prévoit d'avoir 2.000 personnes qui viennent travailler quotidiennement sur le site", précise Michel Van Den Berghe. Et les choses vont vite : 1.900 postes sont déjà pourvus. Un deuxième site devrait donc voir le jour dans les Yvelines à moyen terme. "Tous ensemble, on va élaborer des projets communs pour élever le niveau de la cybersécurité française, au bénéfice de la nation", assure le président du "Campus Cyber".
La cybersécurité, c'est aussi simple qu'Astérix (ou presque)
Un vœu pieu qui implique tout de même de faire travailler main dans la main des acteurs qui n'avaient pas forcément l'habitude de collaborer jusqu'à présent, notamment des entreprises qui sont parfois en concurrence pour des contrats. "C'est un peu comme dans Astérix. Les Gaulois du village passent leur temps à se disputer mais quand les Romains attaquent, ils s'unissent, ils boivent un coup de potion magique et ils repoussent l'envahisseur," image Michel Van Den Berghe. "J'y crois ! Et si, comme dans la BD, les pirates pouvaient fuir rien qu'en voyant les Gaulois, ce serait extraordinaire", ajoute-t-il en riant.
"Le Campus, c'est la solution pour que la cybersécurité se transforme. On s'entend tous très bien dans ce milieu mais on manquait d'un lieu pour mener des projets en commun sans que l'un des acteurs prenne le pas sur les autres", souligne Guillaume Poupard, le patron de l'Anssi. "On est ravi d'aider à développer ce projet. D'autant que le bâtiment est un superbe écrin. C'est très enthousiasmant. Maintenant, il faut anticiper dès maintenant les projets à lancer pour démarrer en trombe dès novembre."
Former et recruter des "pompiers du numérique"
L'un des premiers axes de travail sera ainsi "la protection des très petites entreprises", avance Michel Van Den Berghe. "On va trouver le meilleur moyen d'épauler les artisans, les commerçants, les indépendants. Tous ceux qui n'ont pas de service informatique et se retrouvent démunis le jour où un pirate bloque leurs ordinateurs." Autre aspect important des recherches qui seront menées au Campus : le déploiement massif du télétravail. "Aujourd'hui, les pirates exploitent toutes les failles. Et chez soi, on est moins protégé que dans son entreprise", souligne le patron d'Orange Cyberdéfense.
L’autre intérêt du Campus, c’est la formation. Des cursus seront implantés sur le site pour créer des vocations et pallier le manque de bras dont souffre le secteur. "On estime qu'il manque 4.000 experts en cybersécurité en France. Ce n'est pas l'offre de formation qui fait défaut, on manque de vocations", regrette Michel Van Den Berghe. Pour inciter les jeunes à s'engager dans ce secteur d'avenir, le président du "Campus Cyber" a un plan. "Pour rendre la cybersécurité plus attirant, il faut la féminiser et lui donner du sens. Les enfants rêvent d'être pompiers. Eh bien quelque part, nous devons être vus comme les pompiers du numérique."