Jeudi 27 avril, le thermomètre affichait encore 36 degrés à Séville, dans le sud de l'Andalousie. Une atmosphère suffocante, dans laquelle l'ensemble de la péninsule ibérique est plongée depuis le début de la semaine. Associé à la sécheresse, qui frappe l'Espagne depuis plusieurs mois, cet épisode météorologique pourrait drainer de lourdes conséquences y compris dans l'Hexagone.
La France, qui a pour habitude de se fournir massivement en fruits et légumes auprès de son voisin espagnol, risque de déchanter cette année. Cette vague de chaleur, conjuguée au manque criant de précipitations rend la production de nectarines, abricots et autres concombres bien plus délicate. "Pour chaque espèce de plantes, il y a des optimums de températures dans lesquelles, elles peuvent produire des fruits et des graines", explique Marie Simonin, chercheuse à l'Institut national de la recherche agronomique. En règle générale, il est déconseillé d'exposer ces plantes à des températures supérieures à 30 degrés en journée.
Les plantes puisent l'eau des fruits pour s'hydrater en cas de chaleur
"Une plante fonctionne comme nous. Elle boit et elle transpire. Mais si elle est plus déshydratée qu'elle n'a absorbé d'eau, cela créé un stress. Et elle produira donc des fruits plus petits dans la mesure où elle peut puiser l'eau de ce fruit pour survivre en cas de sécheresse", ajoute Laurent Deville, exploitant agricole aux Baux-de-Provence dans les Bouches-du-Rhône.
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Si la production de fruits et légumes s'amoindrit de l'autre côté des Pyrénées, les prix grimperont mécaniquement. Selon l'INSEE, celui des légumes a déjà augmenté de 12% entre janvier 2022 et janvier 2023 en France. Et la tendance n'est donc pas prête de s'inverser dans les marchés et les grandes surfaces tricolores, particulièrement dépendants des exportations espagnoles. La quasi-totalité des pêches que nous consommons provient du pays de Cervantes, de même que trois-quarts des courgettes et deux-tiers des melons.
"Il y aura sans doute une baisse des approvisionnements et des tensions sur la disponibilité des produits. Avec cette trajectoire, les prix vont forcément augmenter pour les courgettes, les tomates, les salades, pêches, nectarines et abricots qui doivent arriver en France en mai et juin", pronostique, dans les colonnes du Parisien, Olivier Dauvers, journaliste spécialiste de la grande distribution. Le mois dernier, France AgriMer, établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, faisait déjà état d'une baisse de 5% des importations de fruits frais en janvier 2023 par rapport à l'année passée. Une réalité "en partie expliquée par la diminution des importations d’agrumes en provenance d’Espagne".
Quelles solutions alternatives ?
Dans un tel contexte, tous les regards se tournent vers la production française. Or celle-ci "coûte plus cher", soulève Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce. "Donc la question, c'est : quel va être le prix acceptable pour le consommateur ?", poursuit-il. D'autant que l'Hexagone, et plus particulièrement le pourtour méditerranéen, se trouve lui aussi confronté à la sécheresse. Laurent Deville, dont la production de tomates a considérablement souffert de la chaleur l'été dernier, en sait quelque chose. "On a perdu 2,5kg par mètre carré", se souvient-il.
Difficile alors d'imaginer se passer de l'Espagne qui, en dépit d'une tendance à la baisse, reste le principal potager de la France et de l'Europe. Quant au Maroc, autre grand fournisseur de melons et poireaux, son territoire doit également faire face au manque d'eau. Selon le journal économique local Medias 24, 19 des 20 plus grandes villes du pays se trouvaient en déficit pluviométrique le 20 mars dernier. "Pour assurer un volume suffisant, on fait des importations. Mais plus on fait ça, plus on devient dépendant", regrette Frank Rosenthal.