Une filière en difficulté. Avec une forte production et une baisse de la consommation depuis le début de la crise sanitaire, le lait bio tricolore traverse une mauvaise passe. Pourtant, la filière semblait porteuse : en 2017, les professionnels du lait s'étaient même fixés comme objectif de doubler la production en cinq ans. Un pari réussi avant l'heure, avec des volumes qui ont bondi de 270 millions de litres en 2010 à 1,2 milliard en 2021. Rien que cette année, la collecte du lait bio a augmenté de 12%.
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Un prix en chute de 23% en un an
Un marché qui semblait donc prospère mais qui a été perturbé, comme tant d'autres, par l’arrivée du Covid-19. "On a une situation qui cumule deux choses : du lait qui entre en quantité importante et une chute de la consommation depuis début 2021", confirme au micro d'Europe 1 Bruno Martel, administrateur à la coopération laitière Agrial. "Il y a eu moins d’innovation autour des produits bio", poursuit-il. Par ailleurs, les labels se multiplient en rayons et les Français ne se tournent plus systématiquement vers le bio, mais aussi vers les producteurs locaux ou éco-responsables.
Une situation complexe qui a obligé les gros industriels à déclasser 20% de leur production bio. Concrètement, ce lait était vendu comme son équivalent conventionnel, et donc moins cher. Sans oublier que les industriels ont dû rogner sur leurs marges : le prix du lait bio a baissé de 23% en un an.
Une filière qui tente de se réorganiser
Pour éviter que cette situation ne se reproduise, les industriels ont donc demandé aux producteurs de diminuer leurs volumes tout en faisant pression sur les prix. C'est notamment le cas pour Amaury Beaudoin et sa femme Hélène, qui produisent 450.000 litres de lait bio chaque année, dont la moitié est vendue à une grosse laiterie de l'industrie agro-alimentaire. Il y a quelques semaines, l'industriel a baissé le prix du litre de lait d'un centime et de diminuer les commandes. Un véritable choc pour ce producteur de l'Oise qui travaillait avec cette laiterie depuis 25 ans.
Amaury Beaudoin a donc "changé de laiterie" et revu sa stratégie. Il ne vend désormais plus qu'un tiers de sa production à l'industrie agro-alimentaire et le reste à des acheteurs locaux. "L'avenir est peut-être dans les circuits courts", lance-t-il tout en espérant "les grands [industriels] revendront mieux le lait bio".
Mais d'ici là, c'est toute la filière qui tente de se réorganiser pour limiter la casse, au point de mettre temporairement un terme aux conversions vers le bio.