2016 débute mal pour Renault. Le groupe automobile a vu son action en Bourse chuter de près de 20% en l’espace d’une heure après l'annonce de perquisitions de la répression des fraudes (DGCCRF), avant de limiter la chute à 10% en fin de journée. Le constructeur automobile avait pourtant réussi à redresser la barre en 2015 après des années de vaches maigres et de restructuration. Sauf qu'il vient d'être rattrapé à son tour par l'affaire de la fraude aux normes antipollutions. Mais sans logiciel, à la différence de l'allemand Volkswagen.
L’annonce de perquisitions provoque un séisme. Si les investisseurs se sont tout d’un coup mis à vendre massivement leurs actions Renault, c’est parce qu’ils ont appris que le groupe automobile avait fait l’objet de plusieurs perquisitions des services de la répression des fraudes la semaine dernière. Ces descentes ont d’abord été révélées par un tract syndical interne à l’entreprise (disponible à la fin de cet article), qui a fuité à l’extérieur, avant d'être confirmées jeudi par la direction de l’entreprise. "La DGCCRF s'est rendue au Siège social, au Centre Technique Renault de Lardy et au Technocentre de Guyancourt", indique un communiqué du groupe, qui précise que "les équipes de Renault coopèrent pleinement".
Des perquisitions liées à la fraude aux normes antipollution. En temps normal, une telle opération de la DGCCRF ne provoque par une telle dégringolade des cours boursiers. Sauf que celles menées chez Renault interviennent dans un contexte très particulier : une opération transparence est en effet menée dans plusieurs Etats après les révélations sur la fraude industrielle mise en place par le groupe Volkswagen pour faire croire que ses modèles respectent les normes antipollution.
Dans la foulée, le gouvernement français annonçait la mise en place d’une commission chargée de vérifier que les constructeurs hexagonaux n’avaient pas, eux aussi, mis en place des systèmes pour frauder les tests antipollution. Surnommée "Commission Royal", du nom de la ministre de l’Ecologie, elle enquête depuis le mois d’octobre.
Un soupçon de fraude... Dans ce contexte, le fait que les descentes de la DGCCRF aient visé "les secteurs homologation et mise au point des contrôles moteur" a conduit la CGT à "fortement penser" que ces "perquisitions" sont "liées aux conséquences de l'affaire des ‘moteurs truqués’ de Volkswagen". Et pour ne rien arranger, la direction de Renault, interrogée mercredi par les syndicats, n’a pas souhaité donné d’explications, aggravant un peu plus les soupçons.
Redoutant un scandale similaire à celui de Volkswagen, les investisseurs – dont l’objectif est d’avoir une longueur d’avance sur la concurrence – ont rapidement boudé l’action Renault et provoqué la chute de son cours. Bilan : 4 milliards de capitalisation partis en fumée en moins d’une heure, avant que le cours de l'action ne se redresse.
...mais aucune certitude pour l’instant. Renault est-il pour autant coupable de fraude ? Officiellement, il est pour l’instant impossible de le savoir. La commission Royal n’a pas fini son travail et Renault affirme qu’elle n’a pour l’instant rien trouvé de louche. "A fin décembre 2015, 11 véhicules ont déjà été testés, dont 4 véhicules Renault. (…) D'ores et déjà, la Direction Générale de l'Energie et du Climat (…) considère que la procédure en cours ne mettrait pas en évidence la présence d'un logiciel truqueur équipant les véhicules Renault", précise le constructeur.
Et la marque au losange de préciser : "La DGCCRF a décidé de faire procéder à un complément d'investigation sur pièce et sur site, qui a vocation à valider définitivement les premiers éléments d'analyse réalisés par la Commission technique indépendante". Pour Renault, il ne s’agirait que de contrôles complémentaires et non d’un indice de malversations. La chute de Renault en Bourse n’est donc que le fruit de soupçons. Il reste néanmoins encore 21 modèles à tester avant de pouvoir affirmer que Renault n’a rien à se reprocher.
Royal se veut rassurante... et inquiète en même temps. En fin de journée, la ministre du l'Ecologie est sortie de son silence pour expliquer que les premiers tests effectués avaient montré des "dépassement de normes" CO2 et oxyde d'azote chez Renault et "plusieurs" autres constructeurs. Le mot "fraude" n'a pas été prononcé mais Renault aurait bien fauté concernant les émissions réelles de gaz polluants de ses modèles. Reste à savoir comme la marque au losange aurait réussi à passer les tests officiels puisque la ministre a précisé qu'il n'y a "pas de logiciel de fraude". Quant aux descentes de la DGCCRF, on ignore encore leurs raisons mais Renault a assuré jeudi soir que "les perquisitions n'ont rien à voir" avec les tests.
Tout le secteur automobile emporté dans sa chute. Par effet ricochet, les marchés ont également sanctionné toutes les entreprises cotées du secteur automobile : PSA (-8%) mais également les équipementiers Valeo (-5%) et Faurecia (-6%). Peugeot s’est dans la foulée empressé de préciser que les résultats des tests du gouvernement français n'ont pas montré d'anomalie concernant ses modèles. Et, qu'à la différence de Renault, le groupe n'a "pas fait l'objet d'une perquisition de la DGCCRF". Ce qu'a confirmé Ségolène Royal jeudi soir.
>> Voici la partie du tract de la CGT à l'origine du vent de panique qui touche Renault :