Chaque année, l’annonce est perçue comme habituelle. La SNCF prévoit une grève illimitée à partir du 11 décembre, soit une dizaine de jours avant Noël. Une annonce pour protester contre le démantèlement de la partie fret de l’entreprise, qui entraînerait la suppression de 500 emplois et le transfert de 5.000 employés vers des entreprises privées. Mais une telle action handicaperait des millions de voyageurs à une période très dense et demandée, car elle coïncide avec les fêtes de fin d’année.
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Une grève jugée "inutile" et "malvenue"
Sur RMC la semaine dernière, Michel Quidort, le vice-président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports, a vivement critiqué ce préavis de grève, n’y voyant qu’un prétexte pour faire valoir les intérêts d’une minorité, au détriment des millions d’usagers. Selon lui, il est "inutile" de faire grève, car il serait trop tard pour faire changer d'avis la SNCF : "C'est le gouvernement Borne qui a négocié avec Bruxelles cette restructuration de la SNCF pour lui éviter d'avoir à payer une amende de plus de 5 milliards d'euros parce qu'elle avait reçu des aides illégales de l'État pendant de nombreuses années", a-t-il affirmé.
De son côté, le ministre des Transports, François Durovray, a précisé sur France inter que "personne n’accepterait" qu'il n'y ait pas de trains pour Noël. Il estime que le dialogue doit "aboutir" entre les dirigeants de la SNCF et les syndicats de l’entreprise publique. "Chacun doit être responsable", a plaidé le ministre, qui "ne peut pas imaginer qu’au moment où la France doit aller de l’avant, elle soit bloquée, et qu’au moment où les Français veulent se retrouver, ils ne puissent pas le faire."
La CFDT Cheminots regrette "des raccourcis"
Mais les syndicats ne l’entendent évidemment pas de cette oreille. S’ils ont déposé un préavis de grève, c’est justement pour permettre des négociations avec le gouvernement, confirme à Europe 1, Thomas Cavel, secrétaire général de la CFDT Cheminots. "On s’inquiète d’une conséquence (les perturbations à Noël pour les usagers, ndlr) qui n’existe même pas encore. Ce sont des raccourcis, une caricature, alors qu’il ne s’agit que d’un préavis de grève pour nous permettre de négocier. Nous demandons seulement du temps. Du temps pour un moratoire et pour réfléchir concrètement à des solutions pour le fret français, essentiel dans la stratégie de transition écologique, mais aussi pour l’offre de transports dans les territoires de régions", développe-t-il.
Selon le syndicaliste, la potentielle grève à la période de Noël n’a pas été "choisie" par les syndicats de cheminots, mais est une conséquence du calendrier du gouvernement. En effet, l’exécutif a désigné la date du 1er janvier 2025 pour la disparition du Fret SNCF, qui sera scindé en deux sociétés distinctes : Hexafret, pour le transport de marchandises, et Technis, pour la maintenance des locomotives.
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Le "plan de discontinuité" au centre de la grogne
Une décision qui s’inscrit dans le "plan de discontinuité", négocié entre la Commission européenne et l’État français, soupçonné d’avoir versé des aides à Fret SNCF en violation des règles de la concurrence. Sans ce plan, l’entreprise s’exposait à des poursuites et à une obligation de rembourser 5 milliards d’euros, entraînant sa liquidation.
Pour autant, à l’heure des questions de l’accessibilité des services publics et de la transition écologique, le "plan de discontinuité" représente "le choix du pire" pour Thomas Cavel, qui s’inquiète de la viabilité de Technis et Hexafret. Si aucune négociation entre les syndicats de cheminots et le ministre des Transports, François Durovray, n’est prévue pour le moment, le secrétaire général de la CFDT Cheminots assure se tenir "disponible".