"Le travail ne paie plus" : Elisabeth Borne ouvre lundi une conférence sociale sur les bas salaires, dans un contexte tendu par une forte inflation et des divergences avec les partenaires sociaux sur d'autres dossiers. Six organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, et Unsa) et six patronales (Medef, U2P, CPME, Fnsea, Fesac et Udes) doivent se retrouver au Conseil économique, social et environnemental (Cese) à Paris, avec une séance plénière le matin, des ateliers l'après-midi et une clôture en plénière.
Le syndicat Solidaires ne viendra pas, jugeant "insuffisantes" les propositions présentées en amont par le gouvernement. Elisabeth Borne a reçu tour à tour, cette semaine, syndicats et organisations patronales. "La Première ministre nous a dit qu'il y aurait des annonces, on la prend au mot", espère la cheffe du premier syndicat, la CFDT, Marylise Léon.
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Avant le grand raout, syndicats et organisations de jeunesse ont manifesté vendredi "contre l'austérité et pour l'augmentation des salaires, des pensions et l'égalité femme-homme". Mais les rangs étaient beaucoup moins fournis que lorsqu'ils protestaient contre la réforme des retraites il y a six mois.
Depuis cette crise, les partenaires sociaux ont convenu, en juillet, d'un "agenda social" de négociations tripartites --avec le gouvernement-- sur l'emploi des seniors, les parcours professionnels, ou la pénibilité.
Lundi, ils se réunissent en format "conférence sociale" pour tenter d'engager des discussions entre eux, sous l'égide du gouvernement. Un événement validé par Emmanuel Macron lors de sa rencontre de douze heures fin août avec les chefs de partis politiques à Saint-Denis.
Désaccord
Plusieurs thématiques figurent au menu : les "minima conventionnels, les classifications et les déroulés de carrière" ; "les temps partiels et les contrats courts"; "les exonérations de cotisations, primes d'activité et tassement des rémunérations", selon Matignon. Le thème de l'égalité femmes-hommes a été ajouté à la dernière minute, sous la pression de plusieurs syndicats.
"On n'a pas envie d'entrer dans une négociation en brandissant un marteau", a souligné mercredi le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, désireux de laisser la main aux partenaires sociaux pour "augmenter les bas salaires" ou élaborer "un agenda sur l'amélioration de la qualité de vie au travail". Près d'un salarié sur dix a un bas salaire, défini comme tel par l'OCDE quand il est inférieur aux deux tiers du salaire médian.
La question de leur revalorisation se pose d'autant plus que les prix flambent dans l'alimentation, l'énergie ou les carburants, réduisant d'autant le pouvoir d'achat, en tête des préoccupations des Français.
Ombre au tableau, la conférence se tient sur fond de profond désaccord entre les partenaires sociaux et le gouvernement sur les régimes des retraites complémentaires du privé (Agirc-Arrco) et de l'assurance-chômage (Unedic). L'État veut les ponctionner pour combler le déficit du régime général des retraites ou abonder France Travail, le nouveau service public de l'emploi. Ces transferts sont une "ligne rouge" pour la patronne de la CGT Sophie Binet, et augurent "la fin de la lune de miel" avec le gouvernement, selon le Medef.
"Tassement"
Le gouvernement semble écarter l'idée d'indexer les salaires sur l'inflation, comme réclamé par FO et la CGT, a rapporté Sophie Binet après sa rencontre avec Elisabeth Borne. En France, seul le Smic est indexé sur la hausse des prix. L'exécutif fait montre aussi de "beaucoup de prudence", selon la CFTC, sur la principale revendication des syndicats de "conditionner" les exonérations fiscales accordées aux entreprises à la hausse des salaires. Les syndicats estiment que ces dispositifs agissent comme une "trappe à bas salaires" puisque plus les salaires sont proches du Smic, plus les exonérations sont fortes.
Mais le Medef y est hostile. Son nouveau président Patrick Martin s'est même dit prêt à la contester sur le plan juridique. "Sanctionner une entreprise qui serait à jour en matière de salaire, au motif que sa branche ne le serait pas, est juridiquement impossible", note-t-il .
En outre, comme le Smic augmente plus vite (avec l'inflation) que le reste des salaires, certains minima de branches professionnelles sont rattrapés, générant selon les syndicats un "tassement" des salaires. Autrement dit, même avec plusieurs années d'ancienneté, le salarié reste au salaire minimum. Environ 60 branches professionnelles ont actuellement des minima inférieurs au Smic, au lieu de 145 en mai, selon le ministère du Travail.