Il y avait officiellement renoncé mais, finalement, il la touchera bien : l’ancien PDG du groupe automobile PSA Philippe Varin bénéficiera bien d’une retraite chapeau d’environ 300.000 euros par an. Une volte-face pour le moins embarrassante pour une entreprise qui sort à peine d’un vaste plan de restructuration et avait bénéficié de l’aide de l’Etat. "Pour moi, c'est inacceptable", n'a pas tardé à réagir le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll.
Quand Philippe Varin montrait l'exemple. C’était en novembre 2013. Le groupe Peugeot Citroën, en plein déconfiture, est alors en pleine restructuration : le site historique d’Aulnay-sous-Bois vient de fermer, l’Etat a été appelé à l’aide pour une augmentation de capital, PSA doit s'allier au chinois Dongfeng et les salariés ont dû consentir d’importants efforts. 11.000 suppressions de postes sont annoncées, tout comme le gel des salaires pour l’année 2014.
Pour accompagner cette mutation, l’entreprise décide de changer de PDG. Dans ce contexte, et sur pression du gouvernement et du patronat, le futur ex-patron, Philippe Varin, annonce qu’il renonce à sa retraite chapeau. Le chiffre qui circule, 21 millions sur 25 ans, a en effet de quoi provoquer la polémique dans une entreprise aussi mal en point.
"Compte tenu de la polémique que ce sujet a suscitée, de l'émotion dans notre pays qui a aujourd'hui besoin d'être rassemblé plutôt que divisé, (...) j'ai décidé de renoncer aux dispositions actuelles de mes droits à retraite", déclarait Philippe Varin lors d’une courte conférence de presse. Ce dernier se voit alors qualifié de patron responsable et peut quitter l’entreprise la tête haute.
Une précision sémantique qui compte. Sauf que le diable se cache dans les détails. Philippe Varin a bien précisé qu'il s'agit des dispositions "actuelles". En clair, il abandonne la retraite-chapeau qui était prévue en novembre 2013 mais ne ferme pas la porte à une version remaniée. Or - hasard du calendrier ? - il se trouve que le groupe PSA va changer le dispositif de retraite chapeau dans les mois qui suivent.
Philippe Varin avait également ajouté une phrase qui prend aujourd'hui tout son sens : "je m'en remets au conseil de surveillance du goupe pour décider, quand le moment sera venu, et après avis du haut comité de gouvernement d'entreprise, des conditions appropriées de mon départ à la retraite". L'ex Pdg de PSA n'a donc jamais renoncé à bénéficier d'une retraite chapeau, il a juste renoncé à celle que les médias et l'opinion dénonçaient.
Finalement, il touchera bien 299.000 euros par an. Ce qui ressemblait à un dossier clos depuis un an et demi ne l’était en fait pas du tout. Mardi, le site Deontofi.com annonce en effet que Philippe Varin bénéficiera bien d’une retraite chapeau. Montant de cette retraite "supplémentaire" : 299.000 euros brut par an, en plus de sa pension.
Et visiblement, l’ancien patron de PSA l’a activement demandé. L’ex-Pdg du groupe "a fait valoir ses droits à la retraite au cours de l'exercice 2014. À ce titre, il bénéficie d'une pension de retraite supplémentaire d'un montant annuel brut de 299.000 euros", indique le document de référence 2014 de PSA. Si cette retraite chapeau s'étale sur la même durée que la précédente, 25 ans, Philippe Varin devrait donc toucher près de 7,5 millions d'euros en plus de sa retraite. Voire davantage s'il vit plus longtemps.
Une mission de trois mois pour pouvoir en bénéficier. Mais les règles encadrant les retraites chapeaux chez PSA ont été modifiées le 1er janvier 2014. Depuis, un dirigeant doit avoir au moins 5 ans d’ancienneté pour pouvoir en bénéficier, ce qui n’est pas le cas de Philippe Varin, aux manettes de l’entreprise pendant quatre ans et neuf mois. Il lui manquait donc trois mois pour remplir les critères.
Ce qui expliquerait pourquoi le groupe PSA a, après l’avoir remercié, confié à son ancien PDG une "mission d'assistance à la mise en oeuvre des accords conclus avec l'Etat et Dongfeng", le partenaire chinois de PSA. Un choix stratégique à plus d'un titre : il permettait à Philippe Varin de remplir les nouvelles conditions pour bénéficier d'une retraite chapeau et permettait de transmettre plus tôt les rênes de l'entreprise à son nouveau PDG, Carlos Tavares. Depuis janvier 2015, Philippe Varin a rebondi chez le président du conseil d’administration d’Areva, une entreprise qui s’apprête elle aussi à subir une sévère cure.
La polémique relancée. Dans un pays sensible aux très hautes rémunérations, l'annonce de cette retraite surcomplémentaire n'a pas manqué de provoqué de vives réactions. Dont celle du porte-parole du gouvernement, qui l'a jugée "inacceptable". Et Stéphane Le Foll d'ajouter : "quelle image, quelle idée on donne à l'exemplarité, au mérite, si chers à certains ?" En novembre, le gouvernement avait annoncé qu'il voulait supprimer le système de retraite chapeau, sans y donner suite, comme de nombreux gouvernements avant lui.
Du côté de chez PSA, on assure que tout cela est normal, avant de préciser que cette retraite chapeau ne représente que 15% de son ancienne rémunération fixe, bien en-deçà de ce qui se pratique actuellement au sein du CAC 40. On peut pourtant s'interroger sur son action à la tête du groupe, même s'il a dû traverser la crise des subprimes : à son entrée en fonction, l'action PSA valait près de 14 euros, contre moins de 10 euros le jour de son départ. Une chute de 30% quand, sur la même période, le CAC 40 prenait plus de 30%. Quant aux salariés, leur salaire a également été gelé en 2015, comme en 2014, au nom de l'accord de compétitivité signé en 2013.