L’adoption de la loi Macron aura été compliquée du début jusqu’à la fin : après un premier passage accéléré à l’Assemblée, marqué par le recours au 49-3, la réforme portée par le ministre de l’Economie va à nouveau bénéficier d’un passage en force lors de la deuxième lecture pour éviter les plus de 1.000 amendements déposés par les députés. Résultat, le texte devrait être adopté rapidement, avant une ultime navette avec le Sénat puis une adoption définitive par l'Assemblée mi juillet. "L'enjeu, c'est que les mesures de cette loi se concrétisent le plus vite possible dans le quotidien des Français", répète-t-on dans l'entourage de Manuel Valls pour justifier cette procédure accélérée. Mais que contient maintenant cette réforme aux 300 articles qui n’a cessé d’évoluer depuis des mois ?
Plus de commerces ouverts le dimanche. La loi Macron facilite le travail le dimanche en autorisant les commerces à ouvrir 12 dimanche par an, contre cinq auparavant, à moins que le maire ne s’y oppose. La liste des zones pouvant ouvrir tous les dimanches de l’année a également été rallongée : elle concerne désormais les zones touristiques et zones commerciales, les zones touristiques internationales (certains quartiers de Paris, de Nice, Cannes et Deauville) et les commerces installés dans les 12 gares les plus fréquentées de France. Si les consommateurs peuvent s’en réjouir, qu’en est-il des travailleurs ? Sur le papier, le travail dominical ne peut être que volontaire et donne droit à une compensation. Mais cette dernière sera très variable selon la taille de l’entreprise.
Coup de pouce en faveur du bus et permis plus rapide. La loi Macron ouvre à la concurrence les lignes d'autocar interurbaines, qui vont donc engager une guerre des prix avec la SNCF. Mais elle s’attaque aussi au permis de conduire afin de diviser par deux les délais de passage : dans les zones les plus tendues, la préfecture pourra recourir à des agents publics ou contractuels pour remplacer les examinateurs. Le code pourra se passer dans les établissements scolaires et la durée minimale de formation de 20 heures est supprimée. Enfin, le passage du permis poids lourd va être confié à des organismes de formation professionnelle.
Les travailleurs détachés davantage surveillés. Les entreprises y recourent de plus en plus mais le contrôle de ces travailleurs reste imparfait alors que les infractions se multiplient. La réforme Macron instaure donc une carte d'identification professionnelle pour faciliter le contrôle des travailleurs détachés. Quant aux employeurs jouant avec la loi, ils risquent désormais plus : l'amende maximum pour fraude au détachement sera portée à 500.000 euros au lieu de 10.000 euros, tandis que les poursuites financières d'une entreprise dont le sous-traitant aura commis une fraude seront facilitées.
Une nouvelle vague de privatisations. Le gouvernement profite de cette loi pour acter la privatisation des sociétés gérant les aéroports de Lyon et de Nice, l'Etat restant propriétaire des infrastructures. Le groupe d’armement Giat et ses filiales vont aussi être privatisés pour faciliter leur rapprochement avec l’allemand KMW.
Retraite chapeau et actions gratuites réformées. Parce que le code de bonne conduite du Medef ne prévoit pas de sanctions et que les affaires ont continué d’éclater, le gouvernement a décidé d’encadrer davantage les "retraites chapeaux" des dirigeants mandataires sociaux : ces derniers toucheront bien moins d’argent lorsque leur entreprise va mal. Les entreprises n’auront par ailleurs plus le droit d'attribuer d'office des années d'ancienneté fictives à un patron qui vient d'arriver.
La loi Macron allège en revanche les règles encadrant la distribution d'actions gratuites pour donner un coup de pouce aux start-up, au sein desquelles cette pratique est très répandue pour attirer et rémunérer les cadres. Ces actions gratuites seront moins fiscalisées et coûteront moins cher aux entreprises. La loi Macron contient en outre diverses mesures pour développer l'épargne salariale, en particulier dans les PME.
Les professions réglementées réformées à la marge. Le gouvernement en avait fait un symbole de sa volonté de réformer le pays mais les changements sont bien plus modestes qu’annoncés. Pour favoriser l’arrivée de nouveaux acteurs, la réforme instaure la liberté d’installation – même si elle sera encadrée – et une limite d’âge de 70 ans. Pour réduire les coûts, une grille des tarifs sera fixée pour qu’ils correspondent davantage aux coûts réels : les tarifs des petits actes seront fixes, mais proportionnels pour les transactions de moyenne importance, avec la possibilité de négocier des remises déterminées par voie réglementaire.
En outre, la loi crée la profession de commissaire de justice, qui rassemblera les professions de commissaire-priseur et huissier, et prévoit que les avocats pourront agir directement devant tous les tribunaux de grande instance (TGI) d'une cour d'appel, et non plus un seul TGI.
La vie des entreprises facilitée. Les entreprises de moins de 50 salariés n'auront pas l'obligation de publier leur compte de résultat annuel. Pour leur redonner des marges de manœuvres financières, les entreprises pourront majorer de 40% le montant des amortissements qui viendront réduire leur base taxable (à condition d'investir entre avril 2015 et avril 2016).
Préserver les entreprises lâchées par leur actionnaire. Dans le cadre d'un redressement judiciaire, la loi Macron créé une procédure nouvelle de cession ou de dilution forcée des actionnaires majoritaires dès lors que ceux-ci ne seront plus en capacité ou ne voudront plus financer le redressement des entreprises importantes pour le bassin d'emploi alors qu'elles peuvent être sauvées.
Les procédures de licenciement révisées. La loi Macron veut également faciliter la vie des entreprises en simplifiant et en allégeant les procédures de licenciement. En ce qui concerne la justice prud'homale, les indemnités seront ainsi plafonnées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les délais des prud’hommes seront aussi raccourcis et la procédure de conciliation facilitée. Les "accords de maintien dans l'emploi" vont être facilités pour permettre aux entreprises en difficulté d'aménager temporairement temps de travail et salaires, tandis que les règles de licenciements collectifs vont être revues : en cas de redressement ou liquidation judiciaire, l'administration pourra homologuer un plan social en prenant en compte les moyens de l'entreprise, et non ceux du groupe, souvent plus riches.
Un aménagement polémique de la loi Evin. Ce volet créé la polémique depuis la semaine dernière, d’autant qu’il n’était pas attendu dans ce paquet de réformes et que le gouvernement n’a pas encore précisé ses intentions. La philosophie de l’amendement déposé par les sénateurs est la suivante : faire une distinction entre information et publicité sur l'alcool, ce qui revient à assouplir les règles encadrant le marketing en faveur des boissons alcoolisées. Et pour cause : les messages vantant un alcool ne seraient pas considérés comme de la publicité s'ils évoquent en même temps "une région de production" ou "au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager lié à une boisson alcoolique disposant d'une identification de la qualité ou de l'origine".
Une liste loin d’être complète. Avec plus de 300 articles, la loi Macron contient en fait encore plus de réformes qu’il est impossible de détailler dans cet article. Sachez néanmoins qu’elle s’attaque aussi au logement (coup de pouce au "logement locatif intermédiaire", nouvelle durée des congés pour les locataires lors de ventes d'immeubles à la découpe), ou encore à la mobilité bancaire en facilitant le changement d’établissements.