Si les cheminots se sont retrouvés à la pointe de la lutte contre la loi Travail, ce n’est pas seulement à cause du paquet de réformes proposées par Myriam El Khomri : les employés de la SNCF se sont surtout mobilisés pour défendre leur statut. En effet, employeurs et syndicats négocient depuis des mois un nouvel accord d’entreprise et une nouvelle convention de branche pour définir l’organisation du travail et le cadre social des années à venir. Les syndicats avaient jusqu’à mardi soir pour se prononcer sur l’accord d’entreprise négocié, mais la CGT a préféré temporiser et ne pas signer le document. Ce qui ne signifie pas que le texte est caduc : si le syndicat n'active pas son droit d'opposition, l'accord entrera tout de même en application. Mais que prévoit-il exactement ? Zoom sur un texte qui risquait de devoir faire travailler davantage les cheminots mais qui va finalement leur apporter de nouveaux avantages.
Le rythme de travail inchangé. La direction de la SNCF espérait revoir l’organisation du temps de travail pour améliorer la productivité de ses employés, mais il n’en sera rien : la plupart des règles actuelles sont conservées, notamment en ce qui concerne le personnel roulant, c’est-à-dire qui travaille à bord des trains et non en gare ou dans des bureaux. Le personnel roulant pourra toujours bénéficier du "taquet" dit du "19-6", à savoir l’assurance de ne pas travailler après 19 heures la veille d'un repos hebdomadaire et de ne pas reprendre le service avant 6 heures le lendemain. En cas de dépassement après 20 heures, un jour de repos supplémentaire sera toujours déclenché.
Les 149.000 agents SNCF vont également conserver le même nombre de RTT par an, ainsi que l’assurance d’avoir 52 fois par an deux jours de repos de suite. Ces repos hebdomadaire devront toujours comprendre un dimanche au moins 22 fois par an. Quant aux contrôleurs, ils conservent leur statut de personnel roulant, qui est le plus favorable.
Et des contreparties supplémentaires. Au final, les rares changements de l’accord d’entreprise sont favorables aux employés. Ainsi, il sera plus facile de bénéficier du statut de "travailleur de nuit", synonyme notamment de repos compensateurs supplémentaires : le "personnel roulant" pourra en bénéficier à partir de 300 heures travaillées la nuit dans l’année, contre 330 heures actuellement, et le personnel sédentaire à partir de 385 heures par an, contre 455 heures actuellement.
En outre, des repos supplémentaires sont prévus certains agents sédentaires, comme ceux des postes d'aiguillage peu fréquentés, dont les journées de travail sont allongées.
Pas vraiment ce qu’espérait la SNCF. Guillaume Pepy, qui voulait "revoir la façon de faire les 35 heures" pour gagner en compétitivité et abaisser les coûts de la SNCF, a donc dû revoir ses plans. Le patron de la SNCF était pourtant prêt à engager un bras-de-fer mais la loi Travail est passé par là : au regard du pouvoir de nuisance des cheminots, le gouvernement a forcé la direction de la SNCF à accepter un accord d’entreprise plus favorable aux employés. L’ouverture à la concurrence prévue pour 2018 dans le secteur du rail s’annonce compliquée pour la SNCF.
Cet accord a-t-il une chance d’être validé ? Des avancées au lieu du recul redouté : sur le papier, les syndicats ont toutes les raisons de signer cet accord. Le document est sur la table depuis une semaine et les syndicats avaient jusqu'à mardi 19 heures pour se prononcer. La CFDT et l'Unsa-ferroviaire, deuxième syndicat à la SNCF, prévoient de le signer, mais la situation est plus complexe du côté de la CGT.
Après consultation de sa base, "la CGT n'a pas signé", a déclaré mardi soir un porte-parole de la SNCF. Mais si le syndicat n'a pas validé le texte, il n'a pas non plus activé son droit d'opposition : s'il reste sur cette position, l'accord entrera tout de même en application. Le syndicat a jusqu'au 22 juin pour se décider. Soit il reste silencieux et valide de facto l'accord, soit il le dénonce et engage un nouveau bras-de-fer pour mieux poursuivre la lutte contre la loi Travail.