Déjà en pleine période de doute, EDF doit faire face à une incertitude de plus : le montant que l’Etat lui versera pour l’aider à démanteler les centrales nucléaires en fin de vie. Alors que l’électricien espérait un coup de pouce qui se chiffre en milliards d’euros pour la seule centrale de Fessenheim, l’Etat vient de faire une première proposition bien plus modeste : entre 80 et 100 millions d’euros. La partie de poker menteur ne fait que commencer.
Le gouvernement propose 100 millions d’euros... Grand architecte de la filière nucléaire française, l’Etat participe également au service après-vente, et donc au démantèlement des centrales les plus anciennes. Sommé de fermer la centrale de Fessenheim, EDF attendait donc depuis des mois de connaître le montant de l’aide publique. La réponse est tombée début mai, dans une lettre confidentielle envoyée par la ministre de l’Ecologie et que Le Monde s’est procuré : l’Etat propose de verser entre 80 et 100 millions d’euros.
...Alors qu’EDF attend au moins 3 milliards. Problème : c’est beaucoup, beaucoup moins que ce qu’EDF espérait. L’électricien tablait sur une fourchette allant de 2,5 à 3 milliards d’euros et était conforté par un rapport parlementaire publié en septembre 2014 : les députés Marc Goua et Hervé Mariton estimaient que le soutien de l’Etat pourrait aller jusqu’à 4 milliards d’euros. Chez EDF, cette missive a donc fait l’effet d’une douche froide, comme le raconte vendredi Le Monde : "‘C’est sidérant’, dit l’un. ‘Surréaliste’, juge un autre. ‘Apocalyptique’, s’étrangle un troisième".
Démanteler une centrale, une facture incertaine. Si le gouvernement se montre si dur en affaire, c’est parce que le démantèlement d’une centrale est un véritable imbroglio financier : personne ne sait encore combien coûte une telle opération. EDF a bien commencé à démanteler celle de Brennilis, dans le Finistère, mais le chantier entamé en 1985 n’est toujours pas terminé. Autant dire que le coût de l’opération est incertain et pourrait devenir astronomique lorsque le nombre de centrales à démanteler augmentera.
Or, EDF aurait tendance à sous-estimer ce dossier. Dans un rapport publié en septembre 2012, la Cour des comptes évoquait une facture de 22,2 milliards d’euros pour toute la France, avant de souligner que ce chiffrage devait être pris avec des pincettes : "Les devis ont très généralement tendance à augmenter quand les opérations se précisent". Et la Cour des comptes de rappeler qu’en Grande-Bretagne, le démantèlement de onze centrales a déjà coûté 60 milliards d’euros.
Cette incertitude sur la facture finale incite donc l’Etat à la prudence, afin qu’EDF ne se défausse pas sur la collectivité. Un défi de plus pour une entreprise qui traverse une zone de sérieuses turbulences : l’électricien a été éjecté du CAC 40 en décembre 2015, il doit trouver 55 milliards d’euros pour rallonger la durée de vie de certaines centrales nucléaires, la construction de l’EPR de Flamanville accumule les bévues et il doit en outre absorber une partie d’Areva. Sans oublier son projet d’EPR à Hinckley Point, qui est financièrement risqué et contesté en interne.