Rien n’est encore officiel, mais la précision des chiffres qui circulent en dit long sur l’avancée du dossier : Bouygues Télécom est bien parti pour être racheté par Orange avant d’être démantelé. Le trio Orange – SFR/Numéricable - Free Telecom serait en effet entré dans une nouvelle phase des négociations, chacun s’intéressant à une partie de l’opérateur fondé par Martin Bouygues. Portefeuille de clients, réseau d’antennes-relais, fréquences, boutiques, etc. : chacun se positionne pour profiter d’un retour à trois opérateurs, même si Orange a tenu à souligner lundi que rien n’était encore acté.
Trop petit pour résister, Bouygues Telecom est à vendre. Après avoir martelé que Bouygues Telecom n’était pas à vendre et avoir refusé une offre de 10 milliards d’euros proposée par SFR-Numericable, Martin Bouygues a changé d’avis. Conscient que son entreprise, désormais devancée par Free Telecom, risque de ne plus avoir les moyens de rivaliser avec la concurrence, le capitaine d’entreprise a finalement accepté d’entamer des négociations avec le numéro un du secteur, Orange. Le 5 janvier 2016, les deux opérateurs annonçaient avoir engagé des "discussions préliminaires". Un mois plus tard, ces dernières ont visiblement bien avancé.
Les clients premium pour Orange, les autres répartis entre SFR et Free ? Si Orange arrive à racheter Bouygues Telecom, il ne pourra pas pour autant récupérer tout le groupe et sa clientèle : celui qui est déjà numéro un du secteur se retrouverait alors en position trop dominante. Il sait donc que pour obtenir l’aval de l’Autorité de la concurrence, il va devoir découper Bouygues Telecom et en revendre certaines parties.
C’est notamment le cas des 12 millions de clients mobile, fixe et entreprises de Bouygues Telecom. Selon les informations du Figaro, Orange souhaiterait récupérer les 2 millions de clients ayant opté pour les offres les plus haut-de-gamme. Les autres 8 millions de clients, et notamment ceux ayant souscrits aux offres B&You et Bbox, seraient alors "répartis" entre SFR-Numéricable et Free Telecom. Tous deux devraient alors débourser environ 4 milliards d’euros pour récupérer ce portefeuille de clients.
Free intéressé par les fréquences et le réseau. Bien que Bouygues ait beaucoup misé sur la qualité de son réseau, qui était devenu un de ses arguments marketing, Orange n’en a pas foncièrement besoin : le premier opérateur télécom est aussi le plus ancien, si bien qu’il dispose d’un réseau déjà dense.
En revanche, le dernier entrant dans le secteur, Free Telecom, n’a pas fini de déployer son propre réseau et pourrait économiser un temps précieux en mettant la main sur celui de Bouygues. Le tout coûterait "un peu plus de 2 milliards d'euros", dixit Le Figaro, mais Free tente de faire baisser ce chiffre en laissant entendre que si les fréquences de Bouygues l’intéressent, le réseau de ce dernier ne lui serait pas indispensable.
Quid des employés et des magasins ? Bouygues Telecom, c’est aussi près de 8.500 salariés et 550 magasins en France, mais tous n’intéressent pas les autres opérateurs. Ainsi, si Free serait intéressé par les équipes qui gèrent le réseau, il serait en revanche plus réticent à racheter les boutiques et les équipes commerciales. Et pour cause : Free Telecom a réussi à limiter ses coûts en gérant la majeure partie de ses relations clients par internet ou téléphone. Il ne possède qu’une cinquantaine de boutiques et n’en a jamais fait une priorité. Si bien qu’il pourrait ne reprendre qu’une cinquantaine de magasins pour compléter son réseau, d’après Le Figaro, tandis que les autres seraient revendus à une entreprise opérant dans un autre secteur. Le volet social du démantèlement de Bouygues Telecom pourrait donc devenir un dossier sensible.
Que va récupérer Martin Bouygues ? S’il a accepté de vendre la société qu’il a lui-même fondée, Martin Bouygues ne compte pas pour autant la brader. Une mission presque réussie puisque le rachat de Bouygues Telecom est estimé à 10 milliards d’euros : l’entreprise en elle-même ne vaudrait pas plus de 6 milliards d’euros, mais son fondateur a réussi à entamer les négociations avec Orange sur les bases de l’offre précédente, déposée par Patrick Drahi.
Si Orange et son principal actionnaire – l’Etat, qui détient 23% de son capital - , ont accepté que Martin Bouygues s’y retrouve d’un point de vue financier, ils se méfient en revanche de ses intentions futures. Car le chef d’entreprise ne souhaite pas être payé en argent sonnant et trébuchant mais en actions Orange : il pourrait récupérer 10% de l’opérateur historique, d’après Les Echos. Avec une telle base et les moyens financiers dont il dispose, il pourrait rapidement acquérir de nouvelles actions et détrôner l’Etat de son statut de premier actionnaire. En clair, prendre le contrôle d’Orange et priver l’Etat français de son pouvoir. Pour éviter un tel scénario, l’Etat serait donc en train de poser une condition, selon Le Monde : que Martin Bouygues s’engage à ne pas acheter d’actions Orange supplémentaires pendant trois années.
Attention, rien n’est acté. Malgré la publication d’informations très détaillées dans la presse, les entreprises concernées n’ont rien officialisé. La seule déclaration publique est venue d’Orange, qui a tenu à mettre les choses au clair lundi matin : oui, des discussions sont en cours, mais non, aucun accord n’a encore été trouvé. De nouvelles informations pourraient néanmoins sortir mardi, date de publication des résultats annuels d’Orange.